Du haut d’un rocher, un bras dans le dos, l’autre tendu, la main et l’index pointé vers l’horizon, il scrutait.
C’était étonnant de voir comme ce doigt, simple phalange rigide pouvait trembler.
Dans ses yeux de braise, la flamme s’éteignait peu à peu ceinte de lunes brunes.
L’homme las, jour après jour faisait les mêmes gestes, les mêmes promenades sous le regard discret de ceux qui l’avaient emprisonné ici sur ce petit bout de terre et de roche au milieu des flots.
Aujourd’hui, il savait que cette visite sur le promontoire serait la dernière.
Il savait que sur ce point là bas qu’il fixait ardemment, vivait celle qu’il pleurait et que jamais, jamais, il ne pourrait la serrer de nouveau dans ses bras.
Alors il fit volte face à l’océan et le bras toujours rivé dans le dos, il prit le chemin du retour.
Dans la demeure de Longwood aménagée sobrement mais avec un confort certain, il s’allongea devant la cheminée. Les persiennes étaient closes.
La douleur commença par le ventre, puis se propagea dans toutes les entrailles. L’iris noir se dilata comme pour happer plus de lumière, plus d’images.
Il vit encore sa tendre femme puis son fier cheval blanc, des peuples en liesse et le sang, le froid, la mort.
Une libellule frôla ses yeux qui se fixèrent à jamais.
Ils étaient tous les deux nés sur une île. Sur sa terre à elle, les femmes nageaient dans les pétales de palétuviers, sur la sienne, les femmes se baignaient de noir.
Sainte Hélène 5 mai 1821