A l’ordinaire, le visiteur soudain prenant conscience de son anonymat, s’intimide de l’écho que son pas sur ces dalles sonores éveille dans les vastes espaces du dôme funéraire. Mais ces pèlerins ne s’imaginent pas troubler le repos de ceux dont ils viennent sollicité une leçon exaltante : ils courent saluer l’Empereur qui s’achemine le long des siècles. Et tout ces bruits de leurs talons résonant, c’est pour leurs nerfs frémissants un prolongement de cette formidable acclamation qui, jamais interrompue, montait des peuples massés sue le passage du héros et l’empêchait de dormir, tandis qu’il parcourait l’Europe dans sa berline de voyage.
Le tombeau de l’Empereur, pour des Français de vingt ans, ce n’est point le lieu de paix, le philosophique fossé ou un pauvre corps qui s’est tant agité se défait ; c’est le carrefour de toutes les énergies qu’on nomme audace, volonté, appétit. Depuis deux cent ans, l’imagination partout dispersée se concentre en ce lieu. Comblez par la pensée cette crypte ou du sublime est déposé ; nivelez l’Histoire, supprimez Napoléon : vous anéantissez l’imagination condensée du siècle. On n’entend pas ici le silence des morts, mais une rumeur héroïque ; ce puits sous le dôme, c’est la clairon épique ou tournoie la souffle dont tout le peuple a le poil hérissé.
Penchés sur ce puits ou les architectes, qui désespéraient de lui dresser un trône suffisant, laissèrent s’enfoncer le trop lourd cadavre, les visiteurs, tous ancêtres des soldats de la Grande Armée, sentent leurs poitrines s’élargir, se gonfler amoureusement contre la balustrade de marbre. Ils s’enivrent de l’espoir de respirer, a travers le triple cercueil, des miasmes de mort qui seraient pour eux des ferments d’immortalité.
Cet homme fut le corsaire de Byron, l’empereur des Musset et Hugo, le libérateur selon Heine, le messie de Mickiewicz, le parvenu de Rastignac. Aucuns des ces hommes ne se trompèrent, pas plus que les peuples-Français, allemands, italiens, polonais, russes- quand chacun crut Napoléon nait pour l’électriser : car cela est vrai qu’il a tiré de leur léthargie les nationalités.
Alors même que la parole de Napoléon ne durera plus, quand elle aura cessé d’être une chose positive, quand son code, son systeme autoritaire, ses principes de guerre auront perdus leur vitalité, une vertu émanera de lui encore pour dégager les individus et les peuples d’un bon sens qui parfois sent la mort et pour les élever a propos jusqu’à ne pas craindre l’absurde.
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une visite au Panthéon