Ecrire sur le sable pour que la vague en efface aussitôt la trace.
Parler dans le vent pour qu’il disperse les mots de cendre.
Etreindre un fantôme et cajoler des chimères.
Chérir des ombres fugaces afin qu’il n’en reste rien, pas même des regrets.
Tout oublier à chaque crépuscule pour tout découvrir à chaque aube, sans souvenirs désabusés.
Vivre dans une demeure aux murs et au toit vaporeux.
Ne posséder rien d’autre que la rosée du matin qui à chaque aube s’évanouit.
Se nourrir de la poésie pure de l’univers qu’aucune futilité humaine n’a engendrée.
Savoir regarder et aimer mais ne rien s’attribuer.
Ne plus être esclave du besoin de prouver sans cesse sa propre liberté.
Pleurer sous la pluie pour que les larmes n’en soient plus.
Sourire en dormant afin de ne jamais exprimer de faux-semblants.
Ecouter la vibration silencieuse de l’astre qui résonne en chacun sans en tricoter de grandiloquents témoignages.
Aimer toute la beauté qui nous entoure sans vouloir se l’approprier en la déclamant.
Ne plus se pâmer, à chaque feuille saisie, du même éblouissement d’artichaut afin de cultiver l’émotion unique qui ne doit rien à sa nouveauté.
Arrêter les courses folles pour emplir des armoires, y compris celles du cœur, afin de prendre son temps pour découvrir la rareté.
Ne plus vouloir sans cesse clamer, se vanter et prouver en croyant que c’est en se faisant reconnaître que l’on existe.
Ne plus jouer d’une limite floue entre le réel de l’imaginaire afin de trouver l’authenticité.
Cesser de s’inventer et de manipuler jusqu’à soi-même afin d’avoir le courage de devenir ce que l’on est.
Avoir écrit ces lignes dans l’ocre d’une dune pour que la respiration du ciel en fasse disparaître l’empreinte inutile.
Ne plus écrire, se taire et vivre son histoire sans la dénaturer ni la tordre afin de ne pas lui donner une forme qui n’est pas la sienne.
Vivre sans se regarder ni s’écouter vivre, dans un autre monde légendaire, à moins que la chimère ne soit ce monde-ci dans lequel nous vivons, nourris de vanités où l’existence passe à côté de la vie sans la voir.