Nonobstant la taille de la voiture et après un créneau peu convaincant, elle se gara maladroitement entre deux autres véhicules le long du trottoir. Greg à l’affût dans son monstre n’eut aucune peine, quelques mètres en contrebas, à se dénicher une place vacante. Se méfiant de l’endroit, qu’il trouvait pour le moins douteux, il examina minutieusement les alentours. Le double bip de l’alarme résonna sinistrement dans la rue déserte quand il verrouilla les portières. Quelques foulées rapides lui suffirent pour rejoindre les deux sœurettes. Elles l’attendaient sur le pas de la porte.
Julia sortit un trousseau de clefs de son sac et déverrouilla la porte d’entrée de la bâtisse. Le plafonnier intérieur s’alluma automatiquement dispensant une lumière blafarde sur la cage d’escaliers et les poubelles entreposées là par les locataires. Une odeur âpre de moisi se dégageait de l’endroit. La montée d’escaliers, étroite et mal éclairée, donnait directement sur la porte d’entrée de l’appartement.
Face à la porte, Julia poussa un cri.
- Quelqu’un est entré par effraction !
Effectivement le chambranle avait été forcé. Au pied de biche vraisemblablement. Le sol était jonché de petits débris de bois et la butée métallique de la serrure était entièrement tordue. Nul doute, quelqu’un de non autorisé avait franchi le seuil du petit trois pièces. Le premier moment de stupeur passé, se regardant l’un l’autre, ne sachant pas si l’intrus était toujours à l’intérieur, ils entrèrent. Greg passa devant. S’il fallait recevoir un mauvais coup il était assurément le plus apte à se défendre ou à encaisser.
Le sombre vestibule, il était peint en mauve, avait l’air en bon état. D’un côté la cuisine, de l’autre le living. Par déduction Greg se dirigea vers le séjour, passa sans grande conviction la tenture orange de séparation, pour constater que la pièce, bien qu’elle fût en désordre, n’avait pas été dévastée. On aurait pu croire, vu la confusion qui y régnait, à une visite inopportune, mais non, apparemment ce n’était pas le cas, c’était tout grossièrement un désordre ordonné.
Sur la table basse en verre teinté traînaient des restes de repas, des cendriers remplis jusqu’à la gueule, des magazines entrouverts, une bouteille d’Orval à moitié vide, deux trois disques compact hors de leur boîtier... le canapé avait pour compagnie un pantalon froissé, deux coussins zébrés, deux soutiens-gorge chamarrés et trois chemisiers chiffonnés ... dans un coin, un peu à l’écart, déplumé et abattu, le sapin de Noël. Pourtant on était fin février.
Greg continuant précautionneusement son exploration, se dirigea vers une porte située à droite d’un meuble TV. Il l’ouvrit d’un coup sec, espérant peut-être effrayer son occupant. Les deux femmes, muettes, avaient écarté un coin du rideau orange et épiaient, de loin, la progression de Greg. Dans la pièce rien. Ou plutôt si. C’était une chambre débarras remplie d’une multitude d’objets hétéroclites amassés au fil du temps et entreposés là dans l’attente improbable d’une meilleure utilisation. Il referma la porte. Il s’orienta alors vers une espèce de tenture rétro faite de gros anneaux en plastique qui occultait un petit couloir menant à la chambre à coucher et à la salle de bains.
Non sans bruit il passa le rideau d’anneaux. A deux mètres, la salle de bains, porte grande ouverte, était vide. Le seul endroit pensa-t-il où il règne un semblant de rangement. Comme un vrai professionnel il écarta néanmoins le rideau de la douche pour bien s’assurer que personne ne s’y était planqué. A part un petit canard rose en éponge qui le fixait du fond du bac, c’est tout ce qu’il trouva.
Ne restait plus que la chambre, dernière pièce de l’appartement qu’il n’avait pas encore visité.
(à suivre) - 11