Debout à l’entrée de la boîte, ils étaient tous les trois à se dévisager, à s’étudier, à s’interroger sur leurs futurs agissements en commun. Bien que personne ne l’ait ouvertement formulé chacun dans son for intérieur se demandait ce que l’avenir allait lui réserver. Ces retrouvailles finalement aussi inopinées qu’exceptionnelles baignaient dans une atmosphère nimbée de mystère et singulièrement insolite.
Julia qui jusqu’alors n’avait prononcé qu’une phrase, prit la parole. Yeux dans les yeux, elle s’adressa à sa sœur.
- Eléonore, tu ne le sais pas mais j’habite un petit appartement à quelques kilomètres d’ici et si tu es d’accord ce serait bien de pouvoir nous y retrouver. Qu’en penses-tu ? Depuis le temps, nous avons pas mal de choses à nous raconter et une petite mise au point ne serait pas inutile.
- Julia... tu ne vas pas remettre çà ?
- Non, ne te tracasse pas ... j’ai passé le cap, tout va bien. Et si ton ami ...
- Greg !
- Et si ton ami Greg veut nous accompagner je n’y vois aucun inconvénient majeur. Vraiment je m’excuse de devoir bouleverser tous vos plans mais maintenant que je t’ai mis le grappin dessus, je ne te lâche plus.
- Ca va aller... tu en es certaine ? Je pense te connaître un peu et la dernière fois, si mes souvenirs ne me font pas défaut, tu t’es volatilisée pendant trois ans.
- Oui... c’est la raison pour laquelle j’aimerais te parler et te donner les explications qui te manquent ...
- Greg, tu nous accompagnes ?
- Vu la tournure que prennent les événements, vu qu’en face de moi j’ai les deux plus belles filles de la soirée, vu que je n’ai pas d’autres rendez-vous dans l’immédiat ... je vais donc vous servir de chevalier servant Mesdames ! Je suis votre ombre.
- Je suggère que chacun prenne sa voiture, ce sera plus pratique. Nous te suivons, Julia !
- Désolée ... mais je suis venue en taxi, si je pouvais aller avec toi ça m’aiderait !
- D’accord, Greg n’a plus qu’à nous suivre alors.
A l’extérieur la neige avait cessé de tomber. L’hiver troquait son blanc manteau contre des dagues acérées qui vous transperçaient de toutes parts. Il faisait un froid à ne pas laisser un canard dehors. Sur le parking immaculé, sans contraste, les voitures congelées attendaient patiemment leurs occupants. Alignées en rang d’oignons elles étaient toutes semblables, on eût dit de gros paquets de neige posés çà et là au petit bonheur la chance. Fallait avoir une bonne mémoire visuelle pour regagner son emplacement.
Après avoir une nouvelle fois dégagé la petite Getz noire de la neige qui l’encombrait, Eléonore et Julia montèrent à bord.
Greg un peu plus loin, fit un signe de la main puis s’engouffra dans sa voiture ; une énorme Volkswagen Touareg. Un flibustier de son espèce se devait d’avoir un véhicule tout-terrain de ce genre. A la fois un quatre-quatre puissant, spacieux, et une voiture de haut standing. Certaines obligations professionnelles l’avaient forcé à acquérir un tel engin. Il aurait pu opter pour une berline moins tapageuse, plus passe-partout mais à une certaine époque, alors qu’il était à l’apogée de son art, que l’argent rentrait à grandes brassées, il avait du déjouer le fisc et créer ainsi une multitude de frais généraux afin de ne pas laisser sa peau aux impôts.
(à suivre) - 9