Eléonore et Julia s’étaient prudemment avancées. Debout, toutes les deux, au milieu de la pièce faisant office de séjour, bras dessus bras dessous comme si elles s’épaulaient mutuellement ... elles attendaient la suite des événements. Julia avait allumé un petit lampadaire et l’ambiance, comme par enchantement, était devenue apparemment moins pesante.
Quant à Greg, la main posée sur la clenche de la chambre à coucher, ne savait pas si il fallait passer cette ultime barrière ou bien tout laisser tomber et retourner à ses amours délaissées. Au point où il en était, n’ayant plus d’autre alternative que de finir ce qu’il avait commencé au risque de passer pour un poltron, décida d’entrer.
La chambre baignait dans l’obscurité. Greg, d’un geste malhabile bascula l’interrupteur. Ce qu’il vit le fit frémir d’horreur. Au milieu du lit éventré de haut en bas, bien enfoncé au centre de la faille, un énorme ours en peluche décapité, baignant dans une marre de liquide rouge le considérait avec indifférence. Sa tête, dont on avait pris soin d’extirper les yeux, badigeonnée de rouge, posée de travers entre ses pattes, le dévisageait de ses deux grands trous béants. Des larmes de sang coulaient hors des cavités et se répandaient sur le matelas et sur les draps, jetés en boule au pied du lit. C’était rouge partout. Même les petites lampes de chevet n’avaient pas échappées au carnage.
La première stupéfaction passée, Greg appela les deux femmes.
- Eléonore, Julia, vous pouvez venir ? Je vous préviens, c’est pas beau à voir, c’est un vrai désastre ici ... c’est complètement ... c’est carrément la folie ... c’est vraiment la merde !
Julia arriva la première. Elle faillit s’évanouir quand elle vit dans quel état était sa chambre et ce que l’on avait fait subir à sa peluche. Elle du s’accroupir quelques instants pour reprendre son souffle.
Eléonore n’en croyait pas ses yeux. Jamais quelque part elle n’avait vu un tel chaos. Et chez sa sœur qui plus est. Mais comment tout cela a-t-il bien pu arriver. Un tas de questions la submergeait et elle n’avait aucune réponse à donner.
- Je suppose que tu as d’excellentes explications à nous fournir, petite sœur chérie, lança-t-elle à l’adresse de Julia. Depuis nos retrouvailles je ne sais plus vraiment où j’en suis avec toi.
- Oui j’ai la même mauvaise impression et vu la situation, deux sœurs qui se retrouvent dans des circonstances pour le moins troublantes, un ours décapité ensanglanté, une effraction réelle ...c’est un peu beaucoup, il faudrait au plus vite prévenir la police ... on ne touche à rien et on les attend bien sagement ... ils ont peut-être laissé des empruntes, des traces ...
- Non, non, pas la police ! Vaut mieux pas ! Ca ne ferait qu’envenimer les choses. J’ai ma petite idée là-dessus, je crois savoir de quoi il s’agit ...
Eléonore et Greg se regardèrent se demandant ce qui allait encore leur tomber sur la tête. Ils ne devaient pas être au bout de leurs surprises. Elle était pour eux un immense point d’interrogation.
Julia entra dans la chambre à petits pas, regardant à gauche, à droite, avec l’espoir de trouver un indice quelconque sur l’auteur du méfait. Fatiguée, n’ayant rien trouvé, elle se laissa choir sur un coin du lit, provocant de la sorte la chute de l’ours. Celui-ci roula sur le côté, laissant apparaître, dissimulé dans la fente du matelas, une enveloppe adressée à Julia avec la mention : DERNIER AVERTISSEMENT