Julia pivota sur son séant, avança sa main tremblotante vers le rectangle de papier maculé de rouge et extirpa l’enveloppe de la fente du matelas. Elle la retourna quelques instants dans tous les sens avant de l’ouvrir, ne sachant pas très bien si il fallait ou non en lire le contenu. Elle déchira l’enveloppe et déplia le message.
- Alors, c’est quoi ? demanda Eléonore impatiente.
Ses yeux parcouraient fébrilement le morceau de papier sur lequel plusieurs lignes avaient été griffonnées à l’encre rouge et au fur et à mesure de la lecture on pouvait clairement saisir la métamorphose de sa physionomie. Elle passa en un instant de l’hébétude à la stupeur incrédule. Sur son visage blême coulèrent des larmes amères.
- Julia tu veux bien nous dire ce qui se passe !
Julia sortit un mouchoir de la table de chevet, s’essuya nerveusement le coin des yeux, renifla une bonne fois entre deux hoquets et se mit à lire la missive à haute voix.
Mon unique amour,
Je suis venu m’installer dans ton pays et chez moi j’ai laissé ma famille, mes amis, mon travail, ma maison, enfin tout ce que je possédais, pour être rien qu’avec toi.
Depuis deux ans nous avons vécu des moments inoubliables, extraordinaires et si intenses que mon corps à chaque instant me rappelle ton souvenir. J’ai tout fait pour que nous soyons heureux. Je me suis plié à tous tes caprices, à toutes tes volontés. J’ai décroché la lune pour toi !
Toi-même, quand nous bavardions après avoir fait l’amour, tu me disais n’avoir jamais été aussi heureuse, aussi comblée. Tu échafaudais mille projets, tu reconstruisais notre petit monde, tu guérissais toutes nos blessures. Nous étions si bien ensemble. Deux ans sans le moindre nuage, sans la moindre anicroche. Tous les obstacles à notre amour avaient été aplanis.
Je t’aime Julia, ne me quitte pas, tu es ma seule raison de vivre.
Ne me laisse pas tomber comme une vieille chaussette, nous avons eu tant de merveilleux moments tous les deux, tu ne peux pas tout effacer juste parce que tu l’as décidé.
Et puis je ne sais plus très bien où j’en suis. Depuis plusieurs jours je ne fais plus que boire, j’ai envie de rien, j’en ai marre de tout et toi tu n’es plus là. La vie n’a plus aucun sens. Alors comme tout va si mal, si tu ne reviens pas, j’ai décidé de prendre un billet pour l’autre monde. C’est un chantage ignoble je le sais et je sais aussi que cela te fera souffrir mais je suis à bout de forces et sans toi plus rien n’a de sens. Donnons-nous encore une chance, tu veux bien, laisse-moi te prouver que tout peut à nouveau être comme avant.
Demain à vingt heures je t’attendrai là où tu sais. Si jamais tu ne viens pas tu auras ma mort sur la conscience. Tu sais que j’en suis capable. Je t’aime Julia, plus que ma vie.
Pablo.
P.S. Désolé pour la porte d’entrée, je n’avais plus les clefs et désolé aussi pour ton ours en peluche mais je ne pouvais pas faire autrement.