Isabelle nota tout ce qu’elle avait appris sur Amélie dans un petit carnet bleu et décida d’entreprendre d’autres démarches concernant l’arrière arrière grand-mère d’Amélie, une femme née en 1753 répondant au doux prénom de Constance.
Elle se mit en rapport avec un historien qui l’avait aidé lors de démarches précédentes. Après de longs mois, celui-ci trouva un rapport mentionnant les circonstances de la mort d’une certaine Constance vivant dans la même ville que la parente de son amie et décédée le même jour, celle-ci se serait défenestrée volontairement.
Il s’avéra aussi que Jeanne, née en 1653 avait été enterrée sans cérémonie religieuse, jetant ainsi l’opprobre sur sa descendance pour s’être donnée la mort, bafouant ainsi les préceptes religieux de l’époque.
Isabelle ne dormait presque plus, elle cherchait désespérément des indices mais tout ce qu’elle trouvait la conduisait à une seule et même conclusion : toutes les femmes qui avaient entrepris de reprendre la généalogie de la famille, étaient nées et mortes la même année à un siècle d’écart, toutes se suicidant. D’ici trois mois, elle atteindrait l’âge fatidique de ses aïeules et cette perspective l’effrayait au plus haut point, Jean-Paul la soutenait du mieux qu’il pouvait discutant beaucoup avec elle de tout ce qui pouvait la toucher de près ou de loin, tentant de dédramatiser la situation. C’est vrai qu’elle aimait la vie et que jamais l’idée de se suicider ne l’avait effleurée même quand Marc était mort et Dieu sait pourtant à quel point elle avait souffert de son absence.
Elle souffla ses bougies le 15 novembre. C’est fou ce que le temps s’accélère lorsqu’on le redoute ! Elle était soulagée, comme si une fois le cap passé, plus rien ne pouvait arriver.
Elle revivait.
La malédiction s’était arrêtée avec elle, elle en était certaine, jamais elle n’avait autant apprécié les jours qui passaient.
Tout allait pour le mieux, Sophie venait de rencontrer un autre homme et parlait de se remarier, elle devait quitter la maison avec Julie d’ici quelques jours.
Le bonheur de sa fille était aussi le sien.
Après leur départ, elle sentit comme un grand vide et décida de faire un peu de rangement dans son bureau. En vidant un tiroir de la grande bibliothèque sa main heurta une petite excroissance. Surprise, elle s’appliqua à ouvrir ce qui lui semblait être une cachette secrète.
Quand pour finir, elle y parvint, elle vit une liasse de lettres toutes adressées à Marc. Curieuse, elle les ouvrit. Il s’agissait d’une correspondance amoureuse entre son époux et sa meilleure amie. Pendant les trente années de vie qu’ils avaient partagées, il l’avait toujours trompé, depuis le premier jour. Cette nouvelle la brisait, Marc, son seul et unique amour, celui à qui elle avait tout sacrifié, celui à qui elle avait tout donné !
Comment avait-elle pu être aussi naïve ?
Elle se sentait trahie, bafouée, humiliée, elle en avait la nausée. Elle ouvrit la fenêtre pour respirer un peu d’air frais et en regardant l’allée deux étages plus bas, elle se sentit attirée, comme aspirée par une force étrange. Elle avait si mal.
Sans lutter, elle enjamba le rebord et se laissa tomber.