Il faisait encore très sombre lorsque je glissai la clé dans la serrure du lourd portail de fer forgé qui s’ouvrit dans un grincement sinistre. Le jardin qui les jours précédents m’avait paru si beau, si bien préservé ne ressemblait plus qu’à une immense friche où la nature avait repris ses droits, des ronces denses aux épines acérées avaient envahi l’allée et les herbes hautes cachaient les roses que j’avais cru apercevoir la veille.
La maison était délabrée, un volet en partie décroché battait doucement contre la façade défraîchie, les marches du perron étaient cassées par endroit comme si la demeure avait été laissée à l’abandon depuis de nombreuses années.
Angoissée, je m’apprêtais à rebrousser chemin lorsqu’une faible lueur derrière une des vitres cassées attira mon attention et quelque chose au fond de moi m’incita à continuer. J’arrivai devant la porte de chêne, impressionnante et magnifiquement ouvragée, la gorge nouée par la peur j’hésitai un instant mais je l’ouvris comme poussée par une volonté que je ne maîtrisais pas et je pénétrai dans le vaste vestibule.
Un large escalier en acajou occupait une grande partie de la pièce, et sur le marbre clair les premières lueurs de l’aube se reflétaient rendant la maison moins obscure. J’avançai lentement, chacun de mes pas faisaient crisser les feuilles mortes que le dernier hiver avait poussé là et me faisait tressaillir submergée par l’inquiétude qui m’empêchait presque de respirer.
Sur la droite, se trouvait un salon dont les tentures murales déchirées et tombantes reflétaient leurs ombres inquiétantes dans le miroir abîmé ornant la cheminée près de laquelle une porte entrouverte laissait apparaître le halo tremblant d’une bougie. Viscéralement captivée et trompant mon appréhension, je me dirigeai vers cette pièce qui se révéla être un petit bureau très sombre. Une chandelle allumée était posée sur un secrétaire en bois de rose, sans chercher à comprendre les raisons de la présence de cette flamme, je m’emparai de la dernière clé et l’insérai dans la serrure dorée, c’est alors que je la vis au centre du plateau.
Ce n’était qu’une petite boîte bleue ornée de fleurs de lys argentées, lorsque je la saisis, un peu de poussière s’en dégagea, l’auréolant d’un nuage fin et cristallin. J’étais sur le point de l’ouvrir lorsque les paroles du vieil homme me revinrent en mémoire comme un écho lointain : « la petite boîte bleue... prenez garde à vous... ».
Je secouai la tête comme pour exorciser la menace que j’y avais pressenti et la curiosité étant la plus forte, je soulevai le couvercle. Mais ô surprise, elle était vide !
Je compris alors que quelque chose changeait autour de moi, mais il était trop tard, tout alla très vite, je sentis le sol se dérober sous mes pieds, mes yeux se voilèrent et je me sentis tomber dans un tourbillon effrayant où bourdonnait une multitude de bruits tantôt sourds, tantôt aigus puis une voix émergea, sourde et inquiétante, me répétant inexorablement : « il n’y aura plus d’aube pour toi, désormais tu erreras dans les ténèbres du doute ».
Je perdis connaissance.