Lorsque je revins à moi, j’étais allongée sur un lit à baldaquin recouvert de dentelle blanche. Le soleil était haut dans le ciel et illuminait la pièce, une chambre dont les murs clairs étaient ornés de natures mortes aux teintes douces.
Un visage se pencha au-dessus du mien. C’était celui d’un homme d’une quarantaine d’années, il ne m’était pas inconnu même s’il m’était impossible sur l’instant de lui donner un nom. Je me sentais perdue entre rêve et réalité mais il me mit sous le nez un petit flacon de sels qui m’ôtèrent le moindre doute sur la véracité de ce que je vivais. D’un air inquiet, il me sourit et me demanda si je me sentais mieux.
Je le regardai sans répondre et voulus me relever mais ma tête tournait tellement que je fus obligée de m’asseoir sur le rebord du lit. C’est alors que je me rendis compte que je portais des vêtements qui n’étaient pas les miens mais un long déshabillé du début du XIXe siècle, en tulle bleu pâle et dans le miroir qui me faisait face, je vis que mes cheveux étaient relevés dans un chignon aux boucles indociles.
Affolée, je lui demandai de me dire qui il était, où je me trouvais et ce que je faisais là. Il me prit la main et me parla avec tant de douceur en m’aidant à me recoucher que je n’opposai aucune résistance.
Il m’expliqua qu’il m’avait trouvée dans le petit bureau du rez de chaussée évanouie sur le tapis et qu’Edouard le jardinier l’avait aidé à me porter dans ma chambre au premier. Il me dit aussi qu’il me fallait me calmer, que mon état nécessitait beaucoup de repos. Il saisit un verre sur le chevet et me fit boire un peu d’eau, c’est alors que j’aperçus la petite boîte bleue sur la coiffeuse près de la fenêtre mais avant que je puisse réagir, mes yeux se brouillèrent à nouveau, je fus incapable de prononcer la moindre parole.
Au loin, très loin, je n’entendis plus que très confusément la voix de l’inconnu puis celle d’une femme au ton cassant et autoritaire. Elle lui demanda s’il m’avait fait prendre le remède que le docteur avait prescrit mais je n’entendis pas la réponse, déjà plongée dans un sommeil lourd et profond.
Je ne sais combien de temps je restai ainsi assoupie mais quand j’ouvris les yeux, un candélabre éclairait la chambre. Dans un fauteuil de velours incarnat, l’homme s’était endormi, c’est à ce moment-là que je remarquai qu’il portait une tenue de majordome, de celle que revêtaient les employés de maison au siècle dernier.
La demeure était silencieuse. Lentement, je me levai et sans faire de bruit, je m’approchai de la boîte si mystérieuse, j’en soulevai délicatement le couvercle et vit qu’elle contenait un petit flacon. Au moment où je tendais la main pour m’en emparer, une voix me fit sursauter.
Je me retournai et dans l’encadrement de la porte, je distinguai la silhouette d’une femme grande et maigre. Elle s’approcha de moi, et je pus voir son visage sévère et strict. Elle me prit la boîte des mains sans un mot, puis la referma et la reposa sur la coiffeuse.
Elle s’assit sur le lit et m’attira à elle.