Elle s’en était sortie de justesse. Elle avait bien rattrapé le coup, une fois de plus. Il fallait absolument qu’elle se ressaisisse, sa beauté ne devait pas disculper ses égarements. Tout ne lui serait pas pardonné. Le cadeau contaminé de mère nature avait souvent été un fardeau trop lourd à porter. Sa vénusté lui avait joué des tours pendables mais elle était bien décidée à inverser la vapeur. Dorénavant elle penserait un peu plus à elle, quitte à en peiner d’autres.
- Direction Coconuts, alors ? J’ai hâte de me retrouver seul avec toi ... enfin presque seul, nous serons toujours mieux qu’ici ... nous pourrons faire plus ample connaissance... tu m’en diras un peu plus sur toi et si tu es gentille j’en ferai de même.
Il ne la quittait pas des yeux tant il était troublé par la parfaite harmonie de son corps, le charme de ses traits. Il ressentait encore la brûlure incandescente de son baiser enflammé.
- Si je suis gentille ... bien sur que je suis gentille... j’ai dansé avec toi ! C’est parti pour le Coconuts. Tu ne finis pas ton verre ?
- Non ça ira ... j’en prendrai un autre là-bas. Avant de partir je veux juste te dire que je te trouve vraiment très belle ... je me répète mais c’est plus fort que moi et ...
Elle ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase. Elle posa son index sur sa bouche en signe de silence, s’approcha de ses lèvres et l’embrassa. Elle n’en revenait pas, elle avait pris l’initiative. Les réflexes d’antan refaisaient surface. Dans quelques jours elle serait au top, moralement et physiquement. Quoique d’après son compagnon, son physique était déjà plus qu’acceptable. Il s’emballe vite, pensa-t-elle. Ses lèvres goûtaient le whisky dilué, ce qui n’était pas pour lui déplaire... saveur légèrement acidulée qui lui picotait divinement les papilles.
Doucement elle mit fin à l’exquise entrave, rajusta quelque peu sa courte jupe rouge à carreaux écossais, puis d’un geste atone de la main, lissa ses cheveux ténébreux.
Debout derrière la table basse, son manteau sur le bras, elle lui tendait la main.
- Tu viens, on y va. Si on traîne de trop, ce sera fermé.
- Tu es en voiture ?
- Oui, elle est sur le parking.
- Qu’est-ce qu’on fait alors, on prend les deux voitures, _ tu montes dans la mienne, je monte dans la tienne ... ?
- Pas dans la mienne en tous cas, pas assez de place. Je préfèrerais aller avec toi si tu veux bien, je récupérerai ma voiture plus tard ... on verra bien !
- OK allons-y !
Elle avait enfilé son manteau, relevé ses cheveux par-dessus le col en fourrure et d’un pas
décidé se faufila à travers le dédale des tables, le tirant par la main comme elle l’aurait fait avec un chien récalcitrant. Les rôles s’inversaient enfin. Ce n’est plus elle qui était à la traîne. Et il en serait toujours ainsi.
Ils arrivaient au bout de leur supplice, la sortie n’était plus qu’à quelques mètres, quand soudain, par-dessus le bourdonnement des basses, elle perçut un cri. Quelqu’un s’époumonait, à grand renfort de gestes, à crier son nom. Elle tourna la tête. La fumée grise des cigarettes, les lumières tamisées, l’ambiance sombre, les clients attroupés aux entrées des toilettes l’empêchaient de distinguer qui que ce soit.
- Eléonore ... Eléonore, c’est moi !
(à suivre) - 7