Il avait senti son corps se dérober, s’abandonner à son baiser. Il aurait voulu que cela perdure, au moins encore quelques instants, mais la belle inconnue, cette femme qu’il venait d’embrasser, en avait décidé autrement. Elle s’était subtilement détachée de ses lèvres et avait posé sa tête sur son épaule. Il la devinait palpitante, hors d’haleine, étourdie. Il se connaissait des dons en la matière mais à ce point là, c’était la première fois. Il devait probablement s’apparenter au bon vin, il se bonifiait avec le temps. L’idée le fit sourire intérieurement. Se comparer à une bouteille de rouge était un comble, lui qui d’habitude ne buvait plus ou peu de ce breuvage. Sans nul doute en avait-il abusé à satiété par le passé. Il en était à ses réflexions vinicoles quand il discerna un chuchotement.
- « On irait bien s’asseoir avant que tout le monde ne quitte la piste, on aura peut-être la chance de dénicher deux fauteuils inoccupés ... »
- « ... et tu m’as mise dans un tel état... je préfèrerais me reposer un peu »
- « D’accord, essayons de trouver une place «
- « Merci Greg »
Elle lui prit prestement la main, comme s’il allait s’évaporer, traverser la chaussée sans regarder et l’entraîna à travers le dédale obscur de la boîte à musique.
Dans le fond du club un divan défraîchi les attendait. Baignés dans une lumière tamisée pourpre qui leurs conférait une allure d’extra terrestres, ils prirent place et s’installèrent côte à côte.
- « Tu bois quelque chose ? » demanda-t-il en noyant ses yeux azurs dans les siens.
- « Oui, un verre de rosé, s’il te plaît ! »
D’un geste de la main il héla la serveuse et commanda un rosé et un whisky glace.
Elle se tourna légèrement et ses genoux touchèrent les siens. Comme elle ne croisait pas ses jambes il pouvait entrevoir, blotti bien au chaud entre ses cuisses, le minuscule triangle blanc de son string. Ultime et dernier rempart de leurs futurs ébats, songea-t-il. Il lui arracherait d’un coup de dents !
- « Toi Greg, moi Jane ... non, je plaisante, tu me donnerais quel prénom... à ton avis je m’appelle comment ... je te fais penser à quel nom ? » Elle était drôle et spontanée.
- « Euh ... le premier qui me vient à l’esprit c’est Emmanuelle, mais ce n’est certainement pas ça »
- « Emmanuelle... !? »
- « En référence au film, tu me fais penser à elle ... ta façon de bouger, de te tenir ... c’est un ensemble, tu vois ... tu es belle, sexy, envoûtante et j’ai ressenti comme ... »
- « Oui...tu as ressenti quoi ? »
- « Comme un lien de parenté, tu lui ressembles. Pas physiquement, elle c’était une femme d’une autre époque, mais comme elle tu recherches de nouvelles émotions, enfin, c’est ce que je crois »
- « Ah bon, tu me compares à Emmanuelle ... et bien non, ce n’est pas ça ... c’est pas le bon prénom »
Elle avait l’air réjouie, pas du tout contrariée. Amusée par la comparaison.
La serveuse se pencha par-dessus la table basse, décolleté plongeant en avant et y déposa les deux boissons. Elle encaissa et passa à la table suivante, un peu plus loin.
- « Et bien, à ta santé belle inconnue dont je ne connais pas le nom »
- « A ta santé aussi... chez nous quand on trinque, on regarde l’autre dans les yeux, on choque les verres et on dit : « Bonheur « «
- « Bonheur, alors ! »
- « Je ne vais pas te faire languir plus longtemps, tu sembles manquer d’imagination quant aux prénoms féminins, si je t’aidais un peu » Elle usait de son charme. A bon escient.
- « Il commence par un « e » «
- « Par un « e » ... pas évident ... euh ... Estelle... Emma... Elsa... Evelyne... Esther .... »
- « Tu as peu de chance de trouver, ce n’est pas courant et fort peu usité, en réalité je m’appelle Eléonore. Eléonore Mélanie Charlotte, pour être exacte »
- « Enchanté Eléonore ! »
En prononçant ces mots, il s’approcha d’elle, posa une main sur son genou, de l’autre lui enserra la taille et comme quelques minutes auparavant, il l’embrassa. Passionnément, langoureusement.
Sa main remonta lentement à l’intérieur de ses cuisses. Glissa sur le bandeau de dentelle de ses bas. Il sentit la chaleur humide s’intensifier. Atteignit fébrilement le triangle de tissu blanc ... laisser sa main là, juste quelques instants. Du dos de ses doigts, au travers de l’étoffe, il pouvait sentir le dôme bombé de son sexe épilé. Doux, délicatement imprégné. Il arrivait même à en deviner les deux hémisphères, à en dessiner les frontières.
- « Pas ici, s’il te plaît.
(à suivre) - 5