Lui son rêve c’était de devenir célèbre et de se faire éditer.
Ce quinquagénaire avait passé sa vie à travailler , travailler et travailler encore.
Et pour quel résultat ?
Un mariage raté, et deux enfants qu’il ne voyait plus guère que pour leur faire des chèques.
Bien sûr il avait réussit à faire prospérer son entreprise , elle lui avait fait gagner pas mal d’argent et la vente de celle ci deux ans auparavant lui avait fait toucher le pactole.
Son métier de caporal d’industrie s’ il lui avait permis de bien gagner sa vie ne lui avait pas fait connaître la notoriété.
Son nom M. Gratis n’avait guère franchit le seuil de son usine.
Le téléphone sonna , c’était son ex femme .
Ces deux la malgré un divorce houleux et vieux de dix ans avaient réussi à conserver des relations que l’on pourrait qualifier de pas si mauvaises que ça.
Elle venait donc aux nouvelles , il faut dire que depuis qu’il avait vendu son entreprise l’ex Mme Gratis s’inquiétait de voir son mari oisif et plus ou moins dépressif.
M.Gratis lui répondit que tout allait bien qu’il s’occupait des arbres et autres plantations du parc et qu’il avait un projet d’écriture.
Cela ne la rassura que très moyennement car elle le connaissait bien.
Elle savait que c’était un homme d’action et non pas un homme de réflexions.
Elle connaissait son incapacité à l’expression orale autre que dirigiste et autoritaire et se demandait comment cela pourrait se traduire à l’écrit.
Elle se demandait aussi pourquoi les hommes veulent à tout prix réussir dans les domaines ou ils sont les plus lamentables. Pour elle les intellectuels qui font du jogging ne gagneront jamais un marathon et les sportifs qui lisent n’écriront jamais un traité de philosophie.
Gratis raccrocha en lui disant que l’on sonnait à sa porte.
Et repartit dans son désir de reconnaissance.
Mais comment devenir célèbre et reconnu ?
En devenant un serial killer, en dévalisant une banque ?
Pourquoi pas mais pour accéder à cette notoriété il aurait fallu se faire prendre et donc aller en prison et de cela il ne voulait évidemment pas.
Participer à une émission de télé réalité , mais il ne savait pas chanter et était trop âgé et puis cette brève célébrité aurait été galvaudée.
Sans parler que sur un passeport en face de profession si on avait pu lire écrivain cela aurait était quand même plus valorisant que ex- lofteur.
Il allait donc écrire un livre, restait à en trouver le sujet.
Raconter sa vie oui mais il n’avait jamais été battu ou violé n’avait pas tourné dans un film X ni même commis un petit meurtre, alors aucun intérêt.
Faire une biographie d’un personnage historique, oui mais lequel, et cela représenterait trop de recherches et de travail.
Écrire un livre de pure fiction ou bien même de science fiction, mais comme il n’avait aucune imagination cela risquait d’être difficile.
Il se trouvait donc dans une impasse.
Il se dit qu’il devait écrire tout ce qui lui passait par la tête et que peut- être il en sortirait quelque chose de lisible.
Mais chaque fois qu’il s’asseyait à sa table d’écriture une envie irrépressible de fermer les yeux le saisissait.
S’agissait il de ne pas voir ce qu’il allait écrire ?
De mieux se concentrer ?
Ou s’agissait t’il de dormir pour s’apaiser et oublier que encore une fois la page resterait blanche.
Un peu des trois sans doute .
Ce cercle vicelard ( caressez un cercle il devient vicieux comme dirait l’autre, mais carré c’est un cercle alors là vous venez de résoudre la quadrature du dit rond et ce n’est pas une mince affaire même si c’est parfois plus facile de résoudre un problème par la sémantique que part la mathématique) faisait que son livre n’avançait pas et que sa détresse elle progressait inexorablement.
Tiens , hé bien il n’avait qu’a écrire cette phrase idiote qui lui avait traversé l’esprit.
Il commença à coucher cette pensée su le papier mais il ne parvint pas à lui donner du sens. Il était trop difficile pour lui de transformer une idée ou une réflexion en mots intelligibles.
Non décidément il n’arriverait pas a noircir cette page blanche , et décida en toute logique de la faire noircir par un nègre.
Il prit son annuaire et chercha à la page des N , N comme nègre.
Évidemment il n’y trouva pas son bonheur .
Alors il tenta sa chance sur internet et là il trouva sous ce vocable un certain M. Black qui sur son site se faisait fort "d’écrire le livre que vous n’arrivez pas à rédiger".
Il décida de l’appeler et rendez-vous fut pris pour le lendemain.
M. Black se rendit au domicile de M. Gratis.
Ces deux la commencèrent à converser autour d’un café.
M. Black apprit ainsi à son hôte qu’il était né en Afrique du sud et qu’il était venu s’installer en France depuis une dizaine d’année.
Gratis n’osa lui demander s’il avait des références comme on le ferait à un employé de maison.
Il ne le questionna pas plus sur sa vie passée.
Contrairement aux entretiens d’embauche qu’il avait fait passer lorsqu’il était patron , là il ne cherchait pas à prendre en défaut son interlocuteur.
Cette fois ci il ne se prenait pas pour le tout puissant , il avait réellement besoin de l’homme qui siégeait en face de lui et aucun autre candidat ne se morfondait dans la salle d’attente.
Le sentiment de supériorité qu’il affichait si souvent avait ici totalement disparu pour faire place à l’humilité du petit garçon en face du maître d’école.
L’enfance de Black avait été rythmée par la ségrégation raciale , mais il avait eu la chance de naître de parents Franco-Anglais et blancs.
Ainsi M.Gratis avait choisit sans le savoir M.Black Africain blanc pour nègre.
Il fut convenu que Black s’installerai chez Gratis durant deux mois , période qui pensaient-ils serait suffisante à la rédaction d’un livre.
Black pris ses quartiers dans cette grande maison située à la campagne.
Il déambulait dans la demeure et croisait M.Gratis au hasard d’un couloir et l’après midi de 15 heures à 17 heures ils devaient se réunir pour écrire.
Depuis sa chambre il avait vue sur le lac et c’était pensait il propice à la création et à l’imagination.
Mais il fut vite rappelé à l’ordre lorsque Gratis lui dit : souvenez vous que vous n’êtes pas ici pour penser un livre mais seulement pour le rédiger d’après mes idées.
Le problème c’est que des idées il n’en avait guère et les deux heures journalières qu’ils passaient ensemble ne donnaient pas matière à la rédaction d’un livre.
Si cet abruti de gratis lançait une idée du style et si la mort n’existait pas on serait trop nombreux sur la terre. Ce que Back transformait en : la justification de la vie c’est la mort car sans elle il n’y aurait pas d’évolution notoire des espèces. Nous cohabiterions avec les dinosaures, avec Néandertal et Croc Magnon et plus grave encore avec notre belle mère advitam et spiderman.
Il en découlerait le paradoxe suivant la terre ne serait pas assez grande pour permettre à toutes les espèces de vivre et comme la mort n’existerait pas nous ne pourrions pas nous entretuer pour nous faire de la place.
Gratis se disait que évidemment ce qu’avait fait Black de sa pensée avait plusieurs avantages.
Le premier et le plus important : c’était plus long.
Le deuxième : il y avait une pointe d’humour peut-être capable de faire sourire le lecteur.
Le troisième : cela pousserai un peu la lectrice à la réflexion elle qui n’en avait pas l’habitude cela lui ferait mal au début un peu comme lorsque l’on reprend une activité sportive mais après quelques pensées de cet acabit elle prendrait goût à l’activité cérébrale. .
Gratis pensait aussi que ce con de Black n’avait pas de quoi faire le beau en écrivant de manière un peu plus longue soit mais pas de façon flamboyante ni très intelligente.
Il n’osa trop rien lui dire car il était conscient d’être plus mauvais encore.
Le lendemain ce qui lui tenait lieu de cerveau fut ravi de pouvoir émettre une pensée :
Si il n’y avait pas de règles on ne pourrait pas vivre tranquillement.
Black fut consterné mais cela ne l’empêcha pas d’écrire la chose suivante :
Heureusement qu’il existe quelques règles car par exemple pour ma piscine je sais qu’il faut que surveiller le taux de chlore et le PH.
Imaginons que pour avoir une eau limpide il faille que tel jour et ceci de façon aléatoire j’ajoute huit litres de vin , ou 50 litres d’huile de tournesol ou 250 kilos de fumier, je t’explique pas dans quelle merde on serait.
En plus on n’aurait pas moyen de connaître à l’avance le traitement à adopter , il faudrait tous les tester et ceci chaque jour.
Et ce fut au tour de Black d’être consterné.
Gratis suggéra à Black d’écrire sur un thème non consensuel pour faire réagir le lecteur et surtout les critiques afin que l’on parle de ce livre car que l’on en parle en bien ou en mal il faut que l’on en parle afin qu’il se vende.
Faire naître la polémique fait mourir l’anonymat et se réveiller les presses.
Il proposa de faire une apologie du viol au cours des siècles.
Il argumenta de la sorte : nous sommes tous des enfants du viol , même si cela remonte à des temps anciens il faut bien reconnaître aux viols une utilité salutaire car si au temps des hommes préhistoriques les mâles avaient du prêter attention aux migraines et autres réticences des femelles il y a fort à parier que le taux de natalité aurait fondu et que la plus part d’entre nous ne serions jamais nés.
Ne pas oublier que malgré l’évolution nous sommes toujours des animaux et que l’évolution vers la civilisation ne va pas sans ratés , que les violeurs actuels sont là pour nous rappeler que nous sommes tous capables d’atrocités et parfois moins forts que nos pulsions primales.
Il faut donc leur reconnaître un rôle social .
Black en eut la nausée car il avait une fille et l’imaginait en train d’être violentée.
Les relations Gratis-Black se dégradèrent l’un reprochant à l’autre de n’avoir que des idées générales et généralement pas d’idées et l’autre reprochant à l’un de ne pas savoir écrire.
D’ailleurs Gratis reprochait à Black de pas être son interprète mais de prendre le pas sur lui.
Il écrivait soit mais ne retranscrivait pas ses pensées il les déformait , les détournait en il se les appropriant.
Et maintenant Black se permettait de fonctionner en autonomie complète en se passant carrément de Gratis.
Et cela Gratis qui se prenait pour un génie ne pouvait le supporter.
Comment un minable comme Black qui ne put lui montrer le moindre roman qu’il avait réalisé ou lui citer le moindre nom d’écrivain pour lequel il aurait travaillé, comment un fantôme comme lui pouvait il se permettre de vouloir lui piller son livre.
Black n’avait qu’a l’écrire lui même après tout , mais en était t-il capable sûrement pas car sinon plutôt que d’être nègre il serait un écrivain et ne serait pas ici à se dorer la pilule au frais de gratis.
Il devait être 20 heures et black partit déjeuner.
Le rôti de porc était prêt et les carottes cuites.
Ce plat il le savourait autant que la décision qu’il venait de prendre.
Il fallait que cette collaboration cesse et effectivement elle cessa lorsque Gratis mit un point final à cette nouvelle qui n’avait put exister que par l’invention d’un nègre qui prit corps dans sa tête et vie sur le papier.
Ce fut la seule idée qui permit enfin à Gratis de coucher plus de deux mots à la suite..
Seulement une nouvelle de dix pages, pas de quoi en faire un livre à moins de faire des caractères de 72 ce qui aurait fait passer le nombre de pages à 200.
Le nègre virtuel n’avait donc pas réussit à supplanter le nègre réel.
De roman et de célébrité il n’y aurait jamais sauf si un nègre mais un vrai cette fois venait s’en mêler.