J’avais déjà sauté, il m’a soulevée a l’instant ou mes doigts effleuraient la vague. Un instant l’air était autour de moi comme un bras réconfortant, j’ai cru que je volais, j’ai cru que le fond de l’océan ressemblait au bleu du ciel, mais non, le bleu de l’océan est mouillé, le bleu du ciel est ondée.
Les deux pieds a nouveau sur la tourbe, j’ai embrassé le vent et il a frissonné.
J’ai gratté la terre avec mes ongles de pieds, je ne savais plus quoi faire. Je n’avais rien prévu d’autre pour la journée, et le vent était déjà reparti vers d’autres contrées. C’est alors que j’ai vu arriver un drôle d escargot, très gros, aussi grand que moi, mais il faisait l air de rien, comme si sa taille était tout à fait naturelle. J’ai pensé alors, je m’en souviens très bien, qu’il faisait ça pour se moquer de moi et raconter à tout le monde que je voyais des choses qui n’existent pas.
"Ca ne marche pas avec moi, gastéropode à la noix, je sais très bien que ça n’ est pas ta taille réelle. N’essaie pas de m’entourlouper. Qu’est-ce que tu me veux ?
- T’entourlouper ? Que me chante-tu là ? Je bavais par là, et je t’ai vue te lancer dans le vide, caresser les vagues puis t’envoler vers la falaise. Depuis quand les Adèle volent-elles ??
J’ai senti mes yeux me piquer, mes joues s’empourprer et mon cœur s’accélérer. Depuis quand les Adèle volent-elles ou depuis quand les Adèle ne volent-elles plus ?
Je n’ai pas pu retenir mes larmes, elles tombaient, tombaient, tombaient comme si d’un coup l’humidité de l’air s’était donné rendez-vous sous mes paupières.
A mes pieds le sel de mes yeux a desséché les pâquerettes, elles ont brûlé lentement sans que personne ne puisse rien faire. Plus mes larmes coulaient, plus la terre se creusait, plus mes larmes coulaient. Elles formaient un filet d’eau qui se transforma bientôt en petit ruisseau.
Le ruisseau, instinctivement, serpentait vers le bord de la falaise à la rencontre de l’Atlantique. Une partie de moi enfin rejoignait l’immensité, je me sentis comme apaisée.
Voyant ma détresse, l’escargot n’eut plus le cœur de continuer la plaisanterie, et reprit son apparence de colibri. Il se mit à voleter autour de moi, et ne dit plus un mot, car il avait aussi perdu la faculté de parler par la même occasion, puis s’en alla. Je me sentis tout d’un coup très seule. L’air était gris, il attendait la pluie, et moi je m’étais assez mouillée pour la journée. Je courai vers la chapelle, la petite amie du chapeau qui se prenait pour un dromadaire. Elle voulut bien nous abriter, et ensemble nous avons compté les gouttes car nous venions de rater l’heure des moutons. Les moutons sont très ponctuels, et une fois de plus j’étais revenue trop tard de la falaise. Heureusement que ce soir il pleuvait, car certaines nuits, il n’y a rien à compter pas même les étoiles, et alors le regard se perd dans l’obscurité, et tous les souvenirs reviennent. La chapelle se mit à ronfler et moi à rêver.
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Les ailes de l’Adèle (1)
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L’océan. J’ai un jour plongé dans l’océan comme une mouette. Pas pour attraper des poissons dorés par l’écume, non. J’ai plongé dans l’océan du haut d’une falaise, je me suis dit comme ça je saurai qui je suis, je saurai d’où je viens. Mais le vent m’a dit non. Non, non. Adèle, tu n’as pas le droit, le secret de tes ailes n’est pas au fond de l’océan, il est autour de toi, dans le mouvement des fleurs et les pleurs des nuages, dans le frôlement des fourmis sur l’herbe des landes, mais pas au fond de l’océan.