Tandis que des perles d’or dansent sur l’infini qui se couche à l’horizon de ses yeux, un homme, immobile, au visage bruni, attend sur le rivage. Il rêve de naviguer, encore, sur les flots soyeux à la lumière du soleil qui allumait ses nuits d’antan. Il est séduit par un continent qu’il sait trouver au-delà de cette ligne qui sépare et unit le ciel et la mer.
Depuis plusieurs lunes, des millions d’étoiles accompagnent sa solitude, illuminent le firmament et l’océan où se diffusent leurs splendeurs en un spectacle de brillances inspiré par les vagues. Ses yeux sont éclaboussures, son cœur un diamant, un corail, une perle, ses lèvres une mer de sentiments à la douceur qui se partage.
Sur la pointe des pieds, bras tendu vers la coupole céleste, il espère toucher son étoile du bout de son doigt, cette étoile dont la nimbe l’éblouit, qu’il entend l’appeler, qu’il aperçoit en fermant ses paupières, qu’il devine en chaque poussière d’or soulevée par le vent de la nuit.
Les vagues furieuses l’ont côtoyé, parfois, pour l’attirer, avec leurs tentacules d’écume, vers les abysses mais une main, invisible et protectrice, les a empêché d’accomplir leur noir projet. Etait-ce la main divine ou celle de la raison ? Alors qu’une brise d’amour l’enveloppait, il s’enfuit, une nuit de pleine lune, à la recherche de son inaccessible étoile.
Un sourire illumine son visage. Il vogue sur les traces de la destinée qui s’ouvre devant ses yeux, brillants comme l’étoile qui le guide ; le souffle d’or gonfle son cœur et le pousse vers l’infini de son désir, vers l’endroit où chante son avenir. Plus il approche, plus le chant l’ensorcelle.
Soudain, le silence tombe. Le chant du vent se fait soupirs, les étoiles s’éteignent et s’ effondrent une à une dans les ondes paralysées ainsi que les larmes de pluie qui s’abîment sur la terre malgré l’absence d’obscures menaces. Solitaire au milieu de nulle part, dans une solitude en suspension, cerné par les disparitions et vide de cette voix venue d’ailleurs.
De dentelle noire le manteau de lune s’emmaillote. Le néant absorbe tout, aspire ses certitudes ; capitaine abandonné, il fixe la boussole de sa passion en quête de cette voix née des brumes et devenue, au fil du temps romance, archipel de ses désirs, oasis ornant son désert.
Sur la partition du temps, les notes s’agitent au rythme du balancier de son cœur puis, telles des nymphes glissent dans les vagues de l’océan composer un ballet aquatique de blanches sonorités autour du vaisseau d’or. Frénésie du moment, féerie de l’instant où le vent devient musique et les notes mélodie.
Des larmes de soleil ont chassé les larmes de lune. Leurs voix, à l’unisson de leurs voluptés, entonnent la ritournelle de la liberté, déshabillant l’éther de sa noirceur. Les étoiles revêtent leurs plus raffinés atours et s’épinglent, pareilles à de petites ancres, aux voiles argentées enflées par le souffle de leurs murmures énamourés.
Ils font route, ensemble, les yeux lourds de leurs rêves, vers la porte qui s’entrouvrira, un jour, vers leur réalité.
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Lorsqu’un arc-en-ciel repeint le ciel, la sirène sait que ses pensées ne seront plus jamais plongées dans l’obscurité des abysses océanes, que des millions d’étoiles - paillettes d’argent - dessineront les contours de leurs deux visages.
La tendresse du capitaine est à l’infini de son désir de vivre. Chaque vague est un poème confié aux caresses du vent, chargé de le déposer, avec une souveraine délicatesse, sur la plage de leurs futures amours. Leur voyage s’achèvera sur cette parure ambrée sertie de diamants, les actrices de la nuit électrisant leurs lanternes et irradiant de bonheur ces instants magiques.
Le Vaisseau d’or poursuit sa route vers l’horizon, infime traînée entre ciel et terre, entre ciel et mer telle une fibre capillaire qu’une étoile filante a abandonné avant son ultime voyage vers le pays d’où personne n’est jamais revenu, dernier souvenir de sa traversée éphémère dans l’Olympe étoilée sous le regard ébloui des âmes passionnées.
Les lampions des cieux argentent les flots et accrochent, parfois, leurs lumières dans la chevelure ondulée de la sirène. Le capitaine, bercé par le chant sibyllin, n’entend pas l’orage le sermonner, trop impatient d’accoster sur les rivages de la sérénité.
Les dieux ensommeillés sortent de leur léthargie. Epouvantés de se voir déchus de leurs droits, ils se déchaînent : les foudres du ciel sont terrifiantes, l’océan n’est plus que vagues qui se tordent, s’enroulent, éclaboussent et se fracassent contre la coque du vaisseau. Les éclairs menacent de déchirer l’embarcation, d’anéantir leur fabuleux projet.
La sirène est happée vers les profondeurs et doit affronter le regard du seigneur des lieux. Désormais, elle est épiée, traquée dans ses moindres mouvements et son chant prohibé... Le capitaine est troublé ; pourtant, il poursuit son voyage en évitant les écueils, sa sirène l’accompagne quelquefois.
Le capitaine entend une autre voix : des gémissements, des hurlements et des intimidations ; une autre tempête se prépare : la noirceur couve, le vent s’affole dans les voiles, la surface océane s’irrite et les fonds marins tremblent. La vengeance des dieux sera dantesque. Elle l’est. Malmené, le Vaisseau s’éparpille sur les ondes tourmentées et plonge dans le silence des fonds marins. Les dieux s’apaisent, l’océan balance à nouveau sa nostalgie.
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