Ce jour là, je me souviens de la poussière,
des flammes et de la bouche ouverte de mon père devant la télé.
Moi et mes frères on jubilait
puis on s’était arrêtés de rire.
Parce que mon père pleurait.
Nous, on mettait ses larmes sur le compte de l’age, de cet amour pour la paix qu’on voyait comme une faiblesse et dont il nous avait rabâché les oreilles pendant toute notre enfance.
Seulement il avait compris, lui.
Bien avant nous.
Compris le poids qui s’abattait à l’instant sur les épaules de ses fils. Le poids du croissant vert qu’ils allaient à jamais nous broder sur la gueule comme autant d’étoiles jaunes.
We shall overcome, qu’ils disaient...
Il se tenait là, sur le bord du fauteuil, droit et fier, le cœur en berne et les larmes aux joues, à regarder sans cesse les mêmes vues de New York et de pompiers qui courent... à passer de chaîne en chaîne et d’arabe en français, à revoir encore les mêmes gens couverts de suie qui, hagards, pleurait leur peur ou leurs morts,
comme lui...
Oui mon père, il parait que nous sommes devenus l’axe du mal.
Nous sommes cette masse impuissante, choisie pour des raisons de gisements et de places fortes militaires, en nourrissant, en armant et en entraînant un psychopathe et des faibles afin qu’un jour ils trahissent toutes les valeurs de leur propre peuple, et ouvrent ainsi la voie, à notre destruction...
Sachez que nos corps retomberont bien plus lentement que leurs cendres.
Nous sommes
Les victimes du 12 septembre.