Parmi tous les moyens que l’homme peut désormais avoir à sa portée pour pouvoir tirer partie du corps humain (que ce soit dans l’aprofondissement de l’anatomie humaine, en participant à greffer des organes pour sauver des vies humaines ou bien pour simplement constituer un musée), comment un médecin peut-il encore exercer sa supériorité face à ce qui est sensé le représenter lui-même ?
"Un être humain est digne par le seul fait d’être homme, et ce, même après sa mort."
Si notre dignité persiste, comment est-ce qu’un homme, qui lui aussi est digne, peut m’ôter cette dignité sans ciller ?
C’est écrit dans les cours de medecine :
"le médecin est en position du supériorité face à son patient."
Comment un homme égal en dignité à un autre peut-il exercer une supériorité à la fois sur le vivant et sur le mort ?
Dans ce musée, il y avait tant de morts, de chairs, de crânes et de diformités que l’espace d’un instant, je me suis surpris à penser :
"Ils ont réellement vécu !",
"Quelle vie ont-ils eue ?",
"Et si c’était moi ?",
"Aimerai-je me retrouver là,quelque soit ma particularité ?",
"Aimerai-je qu’un homme me coupe en morceaux pour m’exhiber à des yeux aussi avides que curieux, qui que cet homme soit ?"
C’est étrange combien cette même action, c’est à dire collectionner des pièces mortuaires pour les exposer avec autant de prestige que les médecins peuvent le faire peut être passible de la peine capitale ; des hommes tels que des fétichistes de la mort (Sam Berkovitz et Ted Bundy entre autres) en ont eu pour la perpétuité... Alors qu’il leur aurait suffit d’être médecin pour pouvoir continuer en toute liberté.
Ce qui m’a le plus troublé, c’est la dépersonnification que l’on est capable de faire vis-à-vis de la chair :
Si l’homme est capable de le faire subir à des animaux, pourquoi pas à l’homme ?
Chaque jour dans notre assiette nous retrouvons de la chair, traitée aussi sauvagement que possible, mais au moment de la manger, mis à part pour les végétariens, nous pensons simplement au fait que nous avons faim et que ça a l’air bon.
De même, le médecin va triturer les chairs pour qu’au final, un homme qui passe dans un musée s’exclame : "c’est une belle pièce !"
J’ai même vu ce qui pouvait s’apparenter à une cage thoracique ouverte, aux faisceaux artériels et vénules dilatés, sans pour autre but que d’être exposé dans une pièce aussi glauque que puante, avec pour titre "Pièce apportée par le Docteur X en Y".
Aucune idée de qui était cette personne, de la vie qu’elle aurait pu avoir, de la personne qu’elle a été... C’est simplement un cas, un parmi tant d’autres.
Simplement l’idée de prestige qui se démarque derrière ces lambeaux de chair humaine, datant d’une époque où pas une loi concernant sur le don de son corps à la science avait été écrite.
Quand le médecin opère, il est obligé d’oublier l’homme que cette personne a été et de le mécaniser pour pouvoir réaliser son acte ; au final, le côté humain de la chose a disparu au moment où la mort est passée.
Pour preuve en est l’article titrant l’ouverture d’une cérébrothèque, où la directrice qui se trouve être médecin, s’exprime :
"Pour moi, inciser des cerveaux, c’est comme peler les patates."
J’en viens souvent à me demander :
"est-ce que la viande que je mange pourrait être de la chair humaine ?"
J’ai lu un livre où il était question d’une secte moderne qui pour exercer sa supériorité face aux classes populaires créaient leur propre chaine industrielle de chair humaine et que celui qui est un grand consommateur est le plus puissant.
J’ai trouvé ça plein de sens : quit à être consommateur, pourquoi ne pas exiger ce qu’il y a de mieux ?
Voilà donc le vrai problème :
Pourquoi je trouve ça malsain quand on le fait sur un être humain alors que je fais ça tous les jours sur d’autres êtres tous aussi vivants, quitte à les manger ensuite ?
La chair manipulée peut-être celle de mon père, de mon frère, celle d’un homme intelligent qui se trouve catalogué au rang de bête, pendant que celui qui le manipule peut se permettre de conserver son statut d’être pensant, donc humain.
En a-t-on le droit ?