Le fou ne peut se passer de sa débordante et dévorante folie. Il est bouffon du roi, mendiant et prince à la fois. Tout est extrême chez lui : soit on le voit pas ; soit on n’entend que lui.
Là il danse, jongle du verbe, fait des galipettes pour toi. Et pourquoi pas aller jusqu’au ridicule, puisque tout est à prendre, à perdre et à partager ?
Il est la couleur vive qui se démarque et distrait son monde, comme pour ranimer l’oubli, ouvrir une brèche sur l’inattendu, le peu souhaité, l’innommable...
Il aime se trouver là où on ne l’attend pas, ou plus. Avant même un regard ou une attention, il provoque, rampe dans les hauteurs du culot qu’il sublime, élève au rang d’art : du caillou qu’il transforme en or, du rictus désabusé qu’il transporte jusqu’au rire franc, compulsif et libérateur.
Son jardin est la céramique du damier que foulent bien nantis et bien pensants. Il ira jusqu’à lécher les pieds pour montrer à quel point l’artifice du soulier n’est en rien un obstacle entre les mondes.
Sa richesse n’est qu’intérieure, amplifiée à l’extrême par la pauvreté de son apparence. Il est au-delà de la forme, transcende le visible et les convenances.
Son univers est aussi mystérieux que surprenant. On l’aime pour ce que les hommes ont abandonnés d’eux-mêmes, pour ces sphères luxuriantes desquelles il aime les faire tomber.
Pas de vie sans surprise pour lui, pas de frisson sans étonnement. Il aime errer là où les hommes ne vont plus, tripoter le dégoûtant, boire le répulsif, engloutir l’interdit dans un rot d’exaltation.
Il se donne entier à tout, confiant en la voie de son esprit et de son cœur. On l’aime et l’apprécie pour ça, pour la torche qu’il promène jusqu’aux endroits les plus obscurs des méandres de l’être et de la vie. Il est l’éclaireur qu’on soumet en appât aux fantasmes de nos limites et de nos inhibitions.
Le secret n’est pas pour lui puisqu’il n’a pas de poche, rien pour l’enfouir quelque part, le dissimuler... Tout est ouvert chez lui ; les courants d’air sont ses cloisons... au même titre que les barrières des occasions de volager avec les vents boudés par les hommes.
Il n’a de choix que d’être sa propre muse.
Il s’est pourtant appliqué ce soir. A croire qu’il s’est fixé pour illusion de devenir un homme.
Paskal