« Pythie, parle-moi des jours à venir, du lendemain de ce monde et de l’avenir des hommes. Parle-moi, raconte-moi, dis-moi si demain vivre aura plus de sens qu’aujourd’hui, si demain le monde sera plus clair, plus sombre ou gris comme en ce jour, si demain l’esprit des hommes s’élèvera vers le monde des idées ou restera enchaînés au poids des dogmes... Dis-moi tout, belle Pythie ! »
« Je te dirai tout, jeune étranger. Je sens les choses changer, je sens que le monde change ! L’air tout entier est imprégné des vibrations de la grande toile des destinées, la terre tressaille d’un souffle prophétique et le rêve calciné de Julien renaît de ses cendres. Oui, ils reviendront ces dieux que tu pleures, Nerval ne t’a point menti. Le temps va ramener l’ordre des anciens jours, les cœurs et les esprits s’évaderont de leurs prisons tressées de mensonges et de souffrances. Tous loueront la vie, et plus aucun ne vénérera la mort. Alors viendront des temps fastes et prodigues où les hommes, animés par une étincelante et divine passion, se réuniront autour des arts et les célébreront, élevant leurs esprits jusqu’aux Dieux à travers cette tant attendue Renaissance. Les anciens temples seront rebâtis, plus beaux et plus fiers qu’avant, et les flammes sacrées des foyers s’allumeront pour ne jamais plus s’éteindre. Les fêtes et cortèges fleuriront dans toutes les villes ; les statues des héros de l’antiquité, couronnées d’or, seront relevées, et les fruits mûrs des offrandes coloreront leurs socles. L’esprit des philosophes anciens renaîtra dans le cœur de nouveaux sages, et dans ce bain effervescent de savoir l’homme dépassera toutes ses facultés, s’élevant au dessus même de la sagesse. Temps du beau, le laid disparaîtra. Enflammés par la redécouverte des traités anciens, les architectes surpasseront le grand et vénéré maître Vitruve. Mais, humbles et respectueux, les hommes cultiveront leur amour pour la Terre Mère, Gaïa, la plus grande et belle des déesses, soucieux de ne plus lui faire le moindre outrage... Temps de joie, temps de foi retrouvée, de sagesse et de respect, je te prédis tout cela, jeune étranger ! »
« Et quand est-ce que tout cela se produira, belle Pythie ? »
« Lorsque les hommes auront enterré leur folie, jeune étranger... »