Ecrire ou ... pas ?
Voilà qui me taraude depuis quelques temps, gué après gué. J’ai longtemps cru qu’écrire était entrer dans un monde qui m’aurait été interdit, et il l’était. De fait. Confisqué par la puissance maternelle : j’ai renoncé à la plume pendant 30 ans quasiment
Mais aujourd’hui, j’aborde un chemin qui n’est plus celui de l’ivresse, de la régression ou de la puissance. J’aborde avec un mélange de curiosité et d’inquiétude le chemin de la nudité. Celui du rapport à la trace qu’on laisse.
J’en ai éprouvé les dangers, narcissiques ou complaisants, qui conduisent à la facilité de l’autosatisfaction ou à la facilité encore plus grande du dénigrement de soi, de la folie, de la tentation mortifère.
Le langage et l’écriture me fascinent depuis toujours. Peut-être parce que j’ai été par force enfant silencieuse, toujours à l’écoute des autres, mais aussi toujours en attente d’une écoute des autres.
Aujourd’hui, grâce à l’écriture, j’entame l’expérience de l’acte gratuit et de l’autonomie. Ce que je laisse comme trace, c’est bien sûr un peu de moi mais si peu. Et ce si peu n’existe que grâce au regard qui se pose sur lui.
Pour autant, c’est paradoxalement pour ne pas rester prisonnière de l’attente de ces regards que j’écris. Dans mes mondes si bien protégés et encodés, l’écriture ou l’imaginaire font surgir une surprise, de l’imprécis, du neuf que je ne voyais pas et qui me bouscule. Violemment parfois.
mutation intérieure permanente,
reptation au bord des gouffres et des falaises,
expérience des limites.
Expérience de la solitude.
S’ébranle ma prise sur le réel.
S’effritent les certitudes.
Je trouve dans les résistances acquises durant l’enfance, dans les souffrances, dans les barricades construites pour me protéger, autant de lieux où l’écriture voudrait se loger, mais comment trouver le juste équilibre entre écriture -thérapie, écriture -création, écriture- trace ?
Peut-être le « écrire simplement pour soi, dans le silence ?
Ne pas chercher
les racines du vent
ne pas donner un nom
à qui frissonne
ne pas suspendre
au ciel curieux
les quatre coins
du mystère,
insondable
transparent
Chaque mot emprisonne
l’oiseau prêt à briser
sa peur
devant le vide
Et si dans chaque signe
chaque lettre posée
il y avait une voix
une vie
pire
si dans chaque rature
j’avais assassiné ...