Mais ! Fais donc attention, tu vas marcher dessus. A mes pieds, le carrelage, un damier noir et crème, de-ci, de-là quelques carreaux ébréchés. A part cela, rien qui puisse retenir mon attention.
Je regarde la vieille. Elle aussi est un peu ébréchée, les dents de devant et puis ses bras tout marqués de bleus et ses doigts tout noueux.
Mon regard se porte à nouveau sur le sol, juste à l’endroit que semblent fixer ses yeux hagards.
Mémé, il n’y a rien, sur quoi craignez-vous que je marche ?
Ne fais pas l’idiot ! Mon poisson rouge, il a sauté du bocal. Fais attention au chat !
Un poisson rouge… Pauvre mémé. Pour ce qui est du chat, rien à craindre, le Rusty, son dernier, est mort il y a deux ans.
Mémé s’affole, me voila bien embarrassé, je n’ose plus bouger.
Mais ramasse le, crénom d’un chien, il va crever.
Je me baisse, je ne sais comment m’y prendre pour récupérer un poisson imaginaire. Je forme un récipient avec mes deux mains accolées.
Voila Mémé ! Je le mets où ?
Tu te fous de moi ?
Et de son index elle pointe le sol.
Excusez-moi Mémé, je croyais pourtant l’avoir récupéré.
Je me baisse à nouveau
J’aime mieux ça. Mets- le dans son bocal.
Elle me tend un vase.
Avec précaution et application je replace Triton, c’est son nom, dans le bocal.
Mémé éclate de rire.
Ah ! On l’a bien eu ce grand nigaud. Viens Rusty, on s’en va !
Médusé, je reste sans bouger, dindon de la farce. Dans son bocal, même Triton se moque de moi.