Je suis le blanc. J’ai, à l’instant même, tellement de sentiments qui se mêlent que je ne peux les différencier où même les identifier. Peut être que lorsque l’on confronte la mélancolie, la joie, la tristesse, la nostalgie, le manque, la colère, il ne reste que l’indifférence ? Même dire cela, ce n’est plus la vérité.
Bien sur, ce que je vous raconte paraît abstrait. Mais prenez juste un instant, un seul, pour fouiller en vous... rappelez vous. Qui n’a jamais eu envie de tout faire et en même temps de laisser la douce chaleur de l’inactivité emporter sa conscience ? Qui n’a jamais ressenti ce manque dévorant, plus grand même que l’océan, déferler en nous pour menacer de nous emporter, sans qu’on sache même de quoi on manque, ce qui nous arrache le cœur et nous brise l’âme comme un bateau cueilli par les écueils un soir de tempête ?
Mais je ne crois même pas avoir les mots pour dire ça. Je crois que c’est plus que de l’indifférence : c’est de la solitude. Pas celle qui nous étreint alors que nous sommes seuls chez nous, à la maison, en ermitage, que sais je ! mais la solitude éternelle, inexorable, inévitable. Celle que l’on ressent quand on s’aperçoit qu’un ami ne nous a pas compris. Celle qu’on éprouve au milieu d’une métropole, en pleine heure de pointe. Celle qui nous frappe, nous déchire et nous hante lorsqu’on n’a pas de dieu.
Un jour, quelqu’un m’a dit : « je ne suis jamais seule ; je sais que quelque chose, quelqu’un, est derrière moi, me guide, m’aime. Je le sens, au plus profond de mon être. » Ces mots se sont gravés en lettres de feu dans la chair vive de mon âme, et chaque trait étendait sa brûlure dans mon corps et mon esprit, des heures durant. Et moi ? Je n’étais pas heureuse pour mon amie. Je n’étais pas jalouse non plus. Je n’étais pas animée de la volonté de ressentir cela, moi aussi. Non, rien de tout ça. Devant cette Foi inébranlable, je n’ai même pas pu douter qu’elle disait vrai, je n’ai pu douter de l’existence de Dieu, comme elle l’appelait.
Alors, j’ai été submergée par une immense et inexorable vague de tristesse. Je ne m’apercevais même pas que je pleurais ; j’avais oublié leur présence a tous, même sa présence, celle qui devait être pourtant la plus chère a mon cœur. Je n’avais simplement plus de cœur. Je n’étais plus rien ; j’étais semblable a ce blanc si courant, si discret, si... incolore. Une seule question m’animait : pourquoi ? Pourquoi pas moi ? Et moi ? Et moi ?
Tu m’as oubliée, Dieu ?
Cette question, résultante de la trame de milliers d’autres, tournait comme un diable dans ma tête, alors que pour la toute première fois, malgré lui, malgré eux, malgré vous tous, je prenais conscience que j’étais seule. Définitivement, inexorablement, totalement.
Seule.