Assis au centre d’un cercle de pierre, un jeune homme contemplait les étoiles de ses yeux brillants de mélancolie. Il cherchait dans le ciel une voix, un message. Il cherchait Dieu. Toute la nuit il attendit, priant et implorant cet incréé supérieur de lui offrir un signe, il pleura de toutes ses larmes, ne comprenant pas sa solitude, maudit les siens qui l’avaient trahis, et pria encore, implora toujours, jusqu’au petit jour, comme si un tel élan de désespoir attirerait à lui le regard de ce divin absent...
Alors le soleil se leva, brillant et fier comme un lion au crin de feu, mais fade aux yeux humides de larmes du garçon.
« M’as-tu abandonné, Dieu ? » hurla-t-il, un poing accusateur levé vers les cieux.
Et c’est alors qu’une voix étrange lui répondit, surgie de nulle part, ou plutôt de lui-même :
« Ce n’est pas nous qui t’avons abandonné, mais toi qui refuse de nous voir ! »
« Tu pleures, te lamentes et te tourmentes, et tu oublies d’ouvrir ton cœur à notre présence. Nous sommes dans ce levé de soleil que tu n’aperçois même pas, dans le vol de ce faucon plein de grâce que tu ignores, dans chaque brin d’herbe de cette clairière que tu piétines, au cœur de ces arbres centenaires que tu méprises et même du tiens que tu n’écoutes plus battre, car nous sommes à la fois en toi et tout autour, mais jamais au dessus, ni inaccessibles. Nous t’accompagnons dans chacune de tes émotions, dans chaque éclat de rire, larme ou frisson de plaisir que tu éprouves. Et si tu nous accuses de ne point t’épargner souffrances et tristesses, sache que nous souffrons avec toi, éprouvons les mêmes peines et partageons tes pleurs... »
« Mais... qui êtes vous donc, et quelle est votre cause ? »
« À ton image et à celle du monde nous sommes à la fois un et multiples, possédant en toi mille facettes, cachées ou dévoilées en fonction de tes choix et aspirations. En dehors de toi nous sommes l’ordre du monde, le grand équilibre de l’univers, et nous veillons à ce que nos lois ne soient pas renversées. Tu es un temple dans un temple ; ton corps t’appartient et dedans nous ne pouvons qu’obéir à tes volontés, mais au dehors tu te dois de respecter l’édifice que nous avons érigé. Nous insufflons en toi le rêve, l’imagination, l’inspiration. Nous sommes la source de toutes tes émotions et sentiments bons ou mauvais, dont aucun n’est moins nécessaire qu’un autre, mais dont toi seul peut définir l’équilibre. Nous t’offrons aussi l’âme, la conscience, le souffle de vie et la foi en toi-même... »
« Sans nous, tu n’existerais pas ! »
« Et que faire pour vous remercier de ces précieux cadeaux ? »
« Profite de la vie, cueille le jour et cultive les plaisirs que les cinq sens pourront te procurer, car c’est ainsi que tu t’élèveras jusqu’au monde des idées, plus grand et plus radieux que tes semblables fossilisés dans cette absurde souffrance volontaire qu’impose le mensonge des prophètes. Aime la vie et trouve en chaque jour mille raisons d’exister, contemple et loue tout ce qui est beau sur cette terre, émerveille toi des petites choses comme des grandes, mais méprise tout ce qui est laid et vicié par la bêtise. »
« Sois heureux, et nous le serons également. »