On m’avait prévenue, on me l’avait dit, mais rien ne m’avait préparée à cela. Pendant de longs mois, je m’étais attendue à ne rien ressentir, comme si ces choses là ne pouvaient m’arriver, comme si j’étais handicapée du cœur. Mais, ce fut total, immense et immédiat. Un raz de marée où d’un seul coup je me suis noyée.Il était tellement... violet et tout petit, posé sur mon mon corps que tout le reste, la pièce, les gens, même mon mari qui coupait le cordon ombilical ont disparu. Les yeux dans les yeux, il n’a pas crié, il n’a pas bougé et pendant de longues minutes j’ai cru qu’il était sorti de dessous la table. Ce qui était dans mon ventre, qui avait tout le temps le hoquet et bougeait tous les soirs de minuit à quatre heures, ce n’était pas lui. Un silence m’a envahie et j’ai pensé à mes parents, j’étais si fière. Encore aujourd’hui je n’en reviens toujours pas. J’avais lu, dans plusieurs livres spécialisés qu’il arrivait souvent que l’on ne ressente rien pour son enfant, qu’il fallait apprendre à se connaître et enfin que l’amour venait tout doucement. J’étais certaine que je faisais partie de cette catégorie de femme. Ma grossesse s’était pourtant bien déroulée surtout en rapport à des amies. Pourtant je n’éprouvais pas une extase due à mon état. Bien qu’heureuse, j’avais très envie d’être délivrée du bébé, des kilos, de rester à la maison, des douleurs, la liste est longue. Ainsi ce mardi, en même temps que le flou artistique autour de lui, les douleurs se sont envolées et je l’ai aimé passionnément du premier regard. D’un amour presque douloureux parce que trop fort. Je ne m’y attendais pas et comme un feu de forêt il m’a brûlée, je dirais même au troisième degré. Je garderais une cicatrice indélébile, à jamais gravée dans ma tête et dans mon corps. Et même si depuis le reste est revenu, l’amour que je porte à mon mari, ma famille, je sais que plus rien ne sera comme avant. Mon fils est né et avec lui une nouvelle femme, une femme qui serait capable de mourir pour lui