Et la porte se ferme.
La main levée, figée dans un geste d’adieu dérisoire, suspendue, épinglée en plein vol, elle sursaute. Déjà ? Impossible, elle n’est pas prête, il n’est pas temps, ne reste t il pas une seconde, une minute, une heure, non ?
Et la porte se ferme.
Elle se détourne, on l’appelle, elle sourit, les yeux dans le vague, légèrement rougis. Non, il ne faut pas s’inquiéter, elle est juste fatiguée, ça va passer, ça va passer ; il suffira de dormir en arrivant, et ça ira mieux. Tout ira mieux.
Et la porte se ferme.
La voiture démarre en ronchonnant, vague protestation, et le regard de la jeune fille plonge dans l’immensité, la ville qui s’étend et s’éveille, timide, ensommeillée encore. Ca tourne, ça roule ; la brume étire ses lambeaux d’ombres sur la plaine, mais elle ne les voit pas. Le soleil hasarde quelques rayons de miel sur son visage, mais elle ne les voit pas. Le jour se lève... Et elle ne le voit pas.
Et la porte se ferme.
Souvenirs, s’emplir le cœur de souvenirs ? De rires et de larmes, de peines et d’armes, de bonheurs et de sourires, oh, laissez lui ses souvenirs... Sa gorge se noue, mais elle ravale ses larmes, elle lui avait promis. Elle plonge dans les jours qui viennent de s’écouler, comme un nageur qui en a oublié sa bouée, elle se noie dans son passé.
Et la porte se ferme...
Les mots lui montent aux lèvres maintenant, les phrases coulent dans sa tête, tant de choses qu’elle aurait voulu dire, exprimer, hurler, murmurer, chanter, tant de choses qui l’étouffent et la brûlent maintenant qu’il est trop tard, et si le temps pouvait reculer, revenir en arrière, juste une seconde, une seule petite seconde, si on pouvait tout changer...?
Mais la porte s’est fermée.