Aléa de la vie

Les années passant, prise dans le tourbillon des jours et des obligations familiales et professionnelles, la sirène ne prenait plus le temps de se regarder, de prendre simplement le temps de s’occuper d’elle-même, les autres ayant toujours été sa priorité.
Un jour commencé comme les autres, ne se distinguant que par un rendez-vous de routine sur son agenda, marqua un tournant radical dans sa vie et ses habitudes. Plus question de conjuguer le futur, le présent requérait toute son attention et son énergie. Son emploi du temps s’effaça d’un seul mot et elle du accepter de suivre le nouveau rythme qui lui était imposé.
Ses écailles furent examinées de toutes les manières que les humains ont inventées au fil des siècles. Mais, fille de la mer, leurs techniques mêmes les plus pointues ne permirent pas de découvrir la raison pour laquelle l’une d’entre elles s’était ternie et avait étalé son ombre sur celles aux alentours. Leur consistance s’était modifiée, leur forme avait mué et elles n’avaient plus leur place parmi les autres car leur nombre ne faisait qu’augmenter et menaçait de tout envahir et de modifier définitivement et irrémédiablement ce corps qu’elles recouvraient depuis moins d’un demi-siècle.
Elle du accepter de s’isoler des siens et de s’en remettre à des mains expertes qui sauraient le plus délicatement et habilement possible ôter les importunes et prendre les décisions nécessaires pour en déterminer la nature et éradiquer le mal qui les rongeait.
Son réveil guetté par des cœurs généreux, elle réussissait à ne pas plonger dans les abysses du désespoir car le mal était plus étendu que prévu. La guérison serait longue, semée d’embûches et d’épreuves. Elle devrait abandonner à ce crabe qui était venu se coincer sur son buste, sa chevelure et son énergie. Mais, sur cette route elle n’était pas seule et continuait à apprécier chaque lever de soleil comme un cadeau de la vie, chaque sourire de ses enfants comme une caresse de tendresse et chaque regard de ses hommes comme un gage d’éternité au fond de leur cœur.