Je n’ose vous avouer le temps passé-perdu à côté de cet instrument sado-maléfique... et toute l’énergie... et la collection de frustrations...
Enfin, quand je suis amoureux, s’entend et que j’attends qu’Elle appelle...
Tiens, l’autre jour Elle me dit "je te contacte vers 10 heures"...
Avez-vous déjà vécu l’enfer ? Ben c’est exactement ça !
A dix heures moins dix, ou neuf heure cinquante si vous préférez, mais le temps de l’écrire il est cinquante trois, n’ayant plus de freins à ronger, j’entame les ongles des pieds et finis par me dire "je m’casse, faut qu’j’aille me "calmer mes nerfs"... (oui, je sais, je suis très familier quand je me parle...).
Dix heures sonnent à la pendule "big ben" du salon du vieux couple qui me sert de surveillant-général et, accessoirement, de voisin.
Oh rage ! Ooh désespoir, n’ai-je tant donc vécu que pour cette infamie !? Heu ? Quoi ? Je m’égare ? Non, non, infamie, comment peut-on me traiter comme ça !? Mouâââ !
Toutes les mêmes ! Pas une pour rattraper l’autre ! Et faire mentir la caricature du retard des femmes ! (Alors, mesdames-et-moizelles, il est pas noir le désespoir ?) .
Dix minutes passent encore, les plus lentes depuis la création du monde. Décidément je ne puis supporter l’idée d’être traité de la sorte. C’est vrai quoi non d’un chien ! Je ne suis pas un toutou qu’on siffle Loulou !
Je décide donc illico presto, ma non troppo prestissimo, de rompre avec allégresse, pertes et fracas le tout dans le même lot de consolation !
Ouais, d’accord, mais pour ça... faudrait qu’Elle m’appe-he-hel-le...
Ou alors lorsqu’Elle dit : "je t’appelle... -point-".
Avez-vous déjà vécu l’enfer ? Ben c’est exactement comme avant, mais en pire !
Trois jours passent, les plus lents depuis l’invention du temps, au point où le ’créateur’ aurait eu l’occasion de corriger trois fois le premier brouillon... mais il était en repos depuis le fameux septième. Ciel, quel béatitude !
Au quatrième jour, le bigophone imbécile décide d’adopter la position TaïChi dite de la carpe (ou du bigorneau, ce qui serait plus dans la tonalité...). Ce mutisme est décidément anormal. Pourtant le combiné est bien raccroché, je le sais, j’ai vérifié toutes les trois minutes dès fois qu’il aurait été subitement épris de liberté et se décrocherait tout seul !
Non, il est là posé, à me regarder avec son sourire de bakélite (ben oui, j’ai encore un beau vrai téléphone à cadran) et, à en croire mon grand palmaire(*), il pèse une tonne ! (* = demandez à Saskia ou à votre anatomopathologiste préféré).
Au cinquième jour, pendant que certains admirent ’les eaux grouillant du grouillement des êtres vivants et que les oiseaux s’envolent’, ça sonne chez le vieux couple d’à côté... Est-ce normal, dites-moi ? Non, bien entendu non, ce n’est pas normal ! C’est assurément un effet collatéral du réchauffement climatique du à la bombe à neutron et aux pets incessants de ces salauds d’empereurs manchots qui empoisonnent impunément la banquise !. L’informatique est devenue folle ! Les centrales du monde sont désaxées ! Grösse Sabotââche !
Parce que, vous serez d’accord avec moi, c’est chez moi que ça doit sonner, non ?
A ce stade, il est temps de prendre l’air. (Ben oui, à force de se l’être fait pomper par une machine stupide, faut renouveler, refaire le plein…).
Pour ne pas perdre plus de temps, je privilégie la façade que je désescalade en rappel.
A l’instar des tartines de confitures, des baballes sous les armoires, des files au superhyper, faisant sien la loi de la vexation universelle, le téléphone choisit précisément ce moment pour sonner ! Comme ça, en plein rappel ! Bon, bien entendu tu peux te dire (avec, à ce sujet, un esprit fort à propos) que la personne rappellera... Oui mais si c’est ’Elle’ ?
Pas trente-six solutions.
Ou bien, héroïque, je continue ma descente, crispé, livide, comme si j’étais sourd.
Mais je ne le suis pa-a-haas !
Ou alors, héroïque, je remonte à la vitesse du son (de la sonnerie même), je bousille le chambranle de la fenêtre, décroche et hurle un "Allo" de légende !
Que disions-nous à propos de loi de vexation ? (Voir aussi loi de Hadley, principe de Ruby, postulat de Pardo, constante de Murphy, loi de Gumperson, quatorzième corolaire de Atwood, Loi de Boob, celle de la gravité sélective, ..., et autre postulat du parking...).
Une voix de femme, un espoir... Hu-Hu-ne té-lé-ven-deuheuheuuuuse heuheuheu !
La nausée me monte aux oreilles, la colère me serre la gorge, à moins que ce ne soit l’inverse, quand je vous disais que je suis bouleversé, elle me demande d’un ton suave, que je croyais exclusivement réservé aux hôtesses de l’air : "mesdames et messieurs, le commandant de bord me signale une panne de moteur, mais reprenez donc un peu de déca et gardez s’il vous plaît votre calme...", calme que je n’ai plus en écoutant la proposition d’une assurance hospitalisation pour z’animaux domestiques et poissons tropicaux…. et quand c’est trop... Je hurle ! "Mais grand dieu qu’est-ce que j’en ai à FF…aire" !?
Dois-je vraiment préciser qu’au bout de 10 jours de ce régime on est sur les genoux, sauf qu’on à plus de rotule, et qu’il faut se résoudre à changer de fiancée, déménager ou devenir macho...
Les trois si on pense que c’est mieux.
Oui, mais pour rompre…. Faudrait qu’Elle appehehehe-le...!
Et puis, je ne suis pas sur d’avoir le machisme assez teigneux pour rester cohérent plus de 2 minutes avec, collée à l’oreille, cette voix qui m’ensoleille (et oui, de la poésie aussi hihi).
En tout cas je change de numéro d’appel !
Le héros est las, c’est ça ! Repartir à zéro, en père-peinard, incognito, sans téléphone à surveiller 20h / 24 h (le reste, si tu permets je dors roulé en boule dans le panier du chien, près du téléphone).
La béatitude, le plaisir unique et simple de récupérer ma vie.
Voyageur solitaire et sans bagage, blindé de résolutions, fermement décidé à tenir bon, à faire front !
Depuis un jour déjà que t’es pas là...