Tout a commencé lorsque j’avais 5 ans, le jour où comme ultime recours face à la bêtise et à la cruauté j’ai mordu au sang un camarade de bac à sable de 2 ans mon aîné qui torturait méticuleusement une grenouille. Ayant déjà donné à plusieurs reprises quelques démonstrations de mon côté impulsif mes parents entreprirent de m’éduquer à la vie en société.
C’est ainsi qu’on m’enseigna à faire des compromis et à considérer les autres non pas comme des ennemis potentiels mais comme des êtres dignes d’intérêt.
Puis la vie prit le relais et se chargea de ma domestication.
Très vite je compris qu’il me fallait serrer les poings à chaque fois que j’avais envie de mordre, qu’il me fallait me taire dés que je sentais la colère me submerger et qu’il me fallait accepter et respecter les autres avec leurs qualités et surtout leurs défauts.
J’ai bien crié encore ma colère de temps en temps face aux injustices et j’ai beaucoup pleuré aussi devant mon impuissance à faire bouger les choses.
Ce dressage révéla à maintes reprises ses faiblesses et les miennes mais malgré les écueils j’appris à vivre en société et je devins animal apprivoisé. Je m’initiai à l’autre et à ses valeurs.
Aujourd’hui, je prends du recul et je fais le constat. J’ai rempli ma part du contrat : j’ai fait de nombreuses concessions, j’ai donné, partagé, écouté, consolé, respecté, en un mot j’ai aimé.
Mais lorsque je contemple le monde, je ne vois qu’indifférence et mépris, apparence et faux-semblant, mensonge et trahison, condescendance et égoïsme.
L’authenticité a fait place à la pavane des paons, tellement sûrs d’eux, tellement arrogants et convaincus de leur prédominance qu’ils tentent de nous écraser, nous, les trop soucieux, les trop attentifs sans jamais admettre que sans nous ils ne seraient rien.
Alors peu à peu comme on glisse sur une pente vertigineuse je redeviens sauvage.