L’homme au costume a parlé longuement, ton glacial et monocorde, interminable discours technique et dénué de sentiment. Lorsqu’il a enfin relevé la tête de ses papiers, ses yeux ont croisé ceux d’une femme en robe noire qui s’est effondrée, accablée et pitoyable. Elle a honte, tellement honte, elle voudrait s’en aller et ne plus exister aussi vrai qu’elle voudrait le tuer cet homme qui dit que son mari est un assassin.
Lui, devant nous, dans son bel uniforme, fier et digne, il serre les poings et une larme coule le long de sa joue. Nous le regardons, impuissants et vains. Sa douleur nous désarme et la colère peu à peu nous monte au cœur comme une nausée que l’on ne peut réprimer.
Nous avons écouté en silence ces discussions stériles des heures durant, pas par plaisir, seulement parce que là était le passage obligé vers un ailleurs meilleur. Maintenant, il tend les mains vers nous, tentant de se justifier ou implorant notre pardon. Mais quelle importance cela a t’il pour nous aujourd’hui ? Aucune, alors passons à autre chose, laissez nous partir en paix !
Nous serrons ses mains suppliantes, nous l’entourons, nous ne ressentons aucune haine à son égard, notre âme est sereine et il comprend que personne ne lui en veut qu’il ait ou non fait une erreur. Charm El Cheikh devait être notre enfer, le destin en avait décidé ainsi. Que l’avion ait eu une défaillance ou que le pilote ait été désorienté, le résultat est bien le même, rien ne séchera les yeux de ceux qui nous ont aimés, rien ne nous fera revenir à la vie. Alors de grâce ne salissez pas notre mémoire en déshonorant un homme mort.
Au nom de quoi jetez-vous l’opprobre sur celui qui n’est plus là pour se défendre ?