Il avait découvert le pied de l’arc en ciel. Il l’avait découvert au fond d’une forêt, là où il se rendait, en mal d’inspiration. Il avait trouvé l’arc, bondissant d’une cascade, sous l’œil indifférent de la blanche licorne. Depuis il y venait souvent pour puiser ses couleurs, du rouge à l’indigo. Il y venait, épris de la licorne aussi, pour la voir gambader et l’écouter chanter.
Elle était devenue sa muse et on la retrouvait sur ses tableaux, dans ses écrits aussi.
Il était bien heureux, paisible et reposé, en ces lieux fantastiques.
Un jour, pourtant, la licorne ne fut plus. Il comprit le malheur à la pâleur de l’arc en ciel, au murmure de la forêt qui s’était fait bien triste. Il chercha la licorne, il chercha mais en vain. Quand il eut accepté cette disparition et qu’il eut bien compris qu’elle ne reviendrait plus, il sentit sourdre en lui une colère intense, un désespoir profond l’envahit et il chercha du noir pour peindre sa souffrance. Comme il n’en trouvait pas, il remonta le temps. Il remonta le temps jusqu’à ce grand néant. Là, il puisa tout le noir qu’il put trouver, et il revint aigri, repeindre ses tableaux de noir. Il raya de noir l’image de la licorne, il versa du noir dans la forêt qui l’avait accueilli. Il éclaboussa le pied de l’arc en ciel, souillant, par la même, la fragile cascade qui se mit lors à gronder en charriant de la boue.
C’est depuis ce temps là, Madame, que le temps est détraqué.
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Au pied de l’arc en ciel.
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En mal d’inspiration...