Catherine c’est le bout du tunnel, l’arrivée au port, le quai, l’amarrage, l’Arc de Triomphe, l’escalier mécanique, l’ouvre-boîtes éléctrique, la fontaine des innocents, le tire bouchon sans fin, l’expédition d’Egypte, le couteau à beurre, la fonte des neiges au printemps.
Catherine c’est l’invention de la gravité, un deuxième dimanche consécutif, un drap tirebouchonné qui sent les corps heureux, le morse flottant dans l’air, le braille au bout des doigts, deux heures moins le quart avant Hiroshima, des menottes dorées, la plus belle des condamnations à mort.
Catherine c’est la Pointe des Poulains, le phare d’Ouessant, ma colosse en robe, mon jardin suspensif à Babylone, ma cause, mon peuple, les rapides de Vienne, mon olympique phocéen, le Vésuve hurlant, une coulée de larmes, mon lait d’aînesse, ma blonde bien roulée.
Catherine c’est le monde. Entier ! L’humanité. Complète ! Des Pygmées aux Lapons, des vieillards aux fraîchement débarqués, des femmes qui en sont aux hommes qui pourraient être, des plus clairs, cheveux blonds, aux plus noirs, cheveux gris, toutes les couleurs de peau, tous les grains de maïs, des fraîcheurs aux hématomes moirés.
Catherine c’est mes poumons et les globules de mon sang, rouges et blancs, mes synapses et mes papilles.
Catherine, c’est le soleil de Waterloo qui vient laver la morne plaine, la place assise libre dans un métro bondé, le lacet de rechange qui vient à point noué, la clé de la cellule du condamné à mort, mon "la" de musicien, le crême frais du gourmand Normand, Stanley pour Livingstone, Livingstone pour Stanley et le Graal pour tous, pour moi, pour toi, pour eux.
Catherine c’est mon idôle de Pâques, mon rite sacrificiel, ma clone, mon ex-voto gravé dans le marbre précieux, ma dame de fier et de la garde, ma chapelle, ma piété particulière, mon plafond sixtun.
Catherine est un emplâtre, un cément infriable, une cuillère de charbon, un cruciforme rieur, une tulipe qui pousse, une mésange charbonnière, un verre de Cheval Blanc, une sieste équatoriale, le sourire d’un enfant.
Catherine emplit tout, mon âme, mon cœur, mon lit, ma vie, mon ventre. Catherine libère par invasion. Catherine envahit par liberté.
Quel miracle de la nature a conçu cette femme ? Quelle rencontre sublime entre ovule et spermatozoïde a permis la construction subtile de cette perfection ? Quel génial bâtisseur, quel architecte brillant, quel peintre, quel sculpteur, quel mélodiste habile, quel artiste divin en a fait les fondations, le plan, le dessin, le trait, le sens ?
Catherine remet en cause mon impiété chronique, ébranle mes impuissances, dénoue mes infortunes, bafoue mes infondements, réduit mes questionnements, alanguit mes rigueurs, réchauffe mes lenteurs, ponce et lime l’âpreté sans partage de mon absence de foi. Son regard est une conception immaculée, son sourire un credo sous-jacent, sa nudité un Gloria vivaldien, son absence est infernale, mon amour n’est plus profane.
Malgré cela, je ne suis pas certain de savoir, de pouvoir vous décrire, tout ce qu’elle est, de ce qu’elle est pour moi.
Il me semble, parfois, que je suis odieux de ne pas la prêter !