Je prendrai ce bateau aux voiles éclatantes et puis je m’en irai loin de tout, loin de toi, essayant d’oublier qu’un jour je t’ai aimé. Il larguera les amarres sous les mauves éclatants de l’aurore indécente que les fous de bassant célèbreront de leur vol égaré. Je ne regarderai pas s’éloigner le port où la foule agglutinée comme une ruche bruyante me criera ton absence mais l’horizon défait par les larmes qui voileront mes yeux, perles de sel que les chimères effaceront de leurs doigts d’avenir.
Il ne me restera de toi qu’une souffrance vive, un regard perdu que les vagues tourmentées me renverront à l’infini de mes incertitudes, que l’écho d’une voix que le vent ressuscitera à ma mémoire comme une sonate inachevée. Et quand la nuit posera ses ailes sur les flots, elle revêtira mon cœur d’un masque de ténèbres, angoissant, abominable. Et pourtant je partirai sans désir de retour, sans espoir et sans exigence avec à l’âme une plaie aussi profonde que l’amour qui m’étreint.
Alors je poserai mes pas sur cette plage blanche, illusion déconcertée d’un rêve fait à deux, et là j’érigerai de mes mains un immense château de sable que les alizés balaieront d’un soupir de passé. Et, même si mon cœur le nie, je t’attendrai chaque jour, chaque heure, chaque minute et cette solitude qui embrassera mon existence, me fera espérer que se lève la dernière aube que mes yeux délavés par tant d’espoirs déçus, regarderont... avant de se fermer.