Ma chère petite, disait Françoise, et j’ai tout de suite entendu sa voix qui m’aimait, disait Eugène, et j’ai vu son visage et ses yeux ridés par la bonté. On a cru que notre vie s’en allait par petits bouts, et puis non. Elle est finie. On s’en est aperçu à temps.
C’est pourquoi on est allé auprès du laurier sauge, c’est un petit arbre de bon conseil. Il nous a expliqué que dans la vie ce sont toujours les autres qui meurent. On a réfléchi, et on a vu que c’était vrai. Alors, on est très triste pour toi qui nous aime, mais tout est devenu simple pour nous. Et comme on avait peur, quand même, on est allé voir le peuplier, près du ruisseau, au bout du chemin. Il nous a expliqué que l’eau serait un peu froide, mais amie. Il faudra simplement se laisser aller et attendre. Il nous a dit aussi que jusqu’au bout on serait deux.
Serrés contre le cerisier, nous avons parlé de toi. C’était bien. Enfin, sous le tilleul, nous t’avons écrit. C’est lui qui pour toi a mis un peu de paix sur cette feuille. Maintenant, nous allons souper, et puis nous irons nous coucher en attendant demain. Je ne crois pas que nous dormirons, et je m’en fais une joie. Porte toi bien.