L’alcool sournoisement m’enveloppe et remonte ce drap sur mes jambes devenues inertes. Crise de goutte pour mètres linéaires de verres vidées sans pitié au comptoir de mon désespoir, le prix à payer reste (avouons-le) modique. Du placard à la table, de mon fauteuil à conduire je m’autorise tous les excès : c’est permis, je suis presque fini.
Renoncé aux matins chagrins qui se gaussaient de promesses jamais tenues (j’arrête de boire), je blanchis mes nuits de petits godets pour égrener les heures, délicieux et revigorants mélanges d’alcool chaud, de grenadine pour la couleur et de sucre : souvenirs mitigés des tisanes de grand-mère et de la gniole du pépé, nostalgie des soirées de fête où j’étais un corps debout. Il ne me reste que ce geste pour oublier la peur, accepter la solitude, ultime renoncement à vouloir être d’avant ou d’après mais pas dans ce tempo trop présent. Un verre toutes les quinze minutes, que l’on ne s’y trompe, c’est une activité prenante et je me soigne ainsi pour écouter taper ce cœur et ne pas oublier que la nuit m’épouvante.
Torse affaissé, la main se lèvera une ultime fois au lever du jour avant de me laisser en paix quelques heures, puis il faudra recommencer mais plus sereinement : à chaque jour suffit sa peine. J’ai fermé à clef pour que personne ne me surprenne ainsi, comme si je voulais toujours me persuader que quelqu’un encore refuserait ma perte au point de vouloir venir frapper. Pudeur...
Les amitiés de plume me suffisent, elles trinquent elles aussi mais pas à ma santé même si je me fais un sang d’encre.