Ta tête rejetée en arrière, tu appelles tous les hommes à t’admirer. Pas de doute, tu es cette fausse ingénue au regard si doux. Tu abuses de ton charme sur tout le monde mais moi, ma belle, tu ne m’auras pas, je t’ai enfin découverte. Cela fait des siècles que tu me hantes. La première fois c’était au quinzième, posant pour un peintre, tu l’as séduit au point qu’il a oublié de signer sa toile, le pauvre. Je sais, j’étais son épouse et je n’ai rien touché de la vente ... du tableau.
Je t’ai rencontré aussi à la cour de Louis quatorze, rappelles toi de Versailles. Tu envoûtais les hommes qui m’interessaient pensant trouver parmi eux, un époux. Je suis restée vieille fille. Tu les as tous embobiné, comme cela, d’un regard doux et naïf. Tu parles ! oui ! c’était encore le diable qui coulait dans tes veines.
Je me souviens aussi t’avoir croisée sous le règne de Louis Philippe. A cette époque tu portais comme d’habitude des tenues osées qui faisaient injure aux femmes bien pensantes. J’étais tolérante mais tu as fait souffrir ma soeur et je t’ai défiée d’un duel. Dis, penses tu quelques fois à ce que je t’ai dit un soir ? « Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je descendrai » Victor Hugo m’a entendu et il a écrit ce magnifique poème pour sa fille morte noyée et à cause de qui ? De toi, bien sûr. Toi, toi que je connais si bien ... hélas !
La vie est passée, les guerres aussi malheureusement mais toi et moi, sommes encore là à nous détester.
La dernière fois c’était à l’école. Je ne peux pas oublier comment tu as retourné tous les élèves de la classe avec tes jolies histoires. Je ne savais pas pourquoi tu étais gentille avec eux ... avec moi, c’était autre chose. Tu me frappais de ta règle sur mes doigts, me tirais les cheveux ou les oreilles. Tu m’envoyais au coin pendant des heures pour des futilités que je ne comprenais pas. Tu m’en as fait voir, tu sais. Mes amis, mes nombreux amis de l’enfance se sont détournés de moi et m’insultaient à la récré. Ton visage a totalement disparu de ma vie mais pas ce que tu m’as fait depuis des siècles. Je me demandais souvent pourquoi, je n’aimais pas les anges maintenant, je comprends. Je hais ce que tu représentes aux yeux du monde, l’hypocrisie dans toute sa gloire, je viens de voir dans ce portrait de toi, la perfidie, la méchanceté, la garce à l’état pure. C’est à cause des filles comme toi qu’il n’y aura pas de parité hommes-femmes. Tu fais tout pour que les hommes deviennent fous d’amour ou nous jettent aux ordures, nous les femmes.
Tu te retrouves au vingt-et-unième siècle, devant moi et sais tu ce que je vais te faire ? Non ? Je vais te boxer, te coller des coups de savates sur ton beau visage d’ange, te bruler à la cigarette et te défigurer à tout jamais. Seulement comme tu n’es que photo, je te déchire et te jette à la poubelle, tu passeras à l’incinérateur. Enfin, je serai débarrassée de toi.