Elle n’avait pas tout compris.
Quand elle a demandé à sa mère de la prendre dans ses bras, l’adulte l’avait écartée au lieu de rire comme avant. Quand elle a demandé à son père de la faire sauter sur ses genoux, il a prétendu que ce n’était pas le moment. C’était pourtant toujours le moment, avant ! Quand elle a voulu jouer au jeu avec les fruits et les légumes et les petites lampes qui s’allument, on l’a envoyée s’occuper de son petit frère. Alors, comme il l’énervait à sucer son nounours, elle a serré très fort sa peluche à consoler les chagrins et s’est endormie dans un coin de son lit.
Puis il y a eu tout ces cris, ces disputes qu’elle ne comprenait pas, pour des choses qui faisaient rire avant. Il y a eu les repas en silence, glaciaux comme les boules de neiges qu’elle n’ose plus envoyer sur ses parents de peur de les faire être encore plus fâchés. Il y a eu les pleurs, le soir, dans la chambre à coté, quand elle avait les yeux grands ouverts dans l’obscurité. Il y a eu tout ces mots qu’elle n’a pas compris. Il y a eu ces cartons partout, tout ses jouets avalés les uns après les autres par les grandes boites brunes.
Alors elle a demandé qu’on lui explique. Elle n’a pas compris pourquoi il fallait qu’elle aie deux maisons, mais sa maman lui a dit qu’elle aurait aussi deux Noëls, deux anniversaires, deux St Nicolas, et ça lui a semblé une compensation suffisante. Elle imaginait déjà la tête de ses amies a l’école, quand elle expliquerait qu’elle, elle allait avoir deux maisons !
Elle n’a pas compris quand on lui a parlé de « ces jours alter nés », de « juge », de « dix vorces », ou quelque chose comme ça. Elle a demandé à sa mère c’était quoi un vorce, ça a fait rire l’adulte qui du coup n’a pas répondu à sa question, mais elle n’y a pas fait attention, sa maman riait enfin, c’est qu’elle était heureuse, non ?
Elle n’avait pas tout compris.
En fait, la seule chose qu’elle avait réellement comprise, c’était que ses parents ne viendraient plus lui dire bonne nuit ensemble, le soir.