Je le voyais chaque jour s’habiller d’apparences, éternel comédien en quête d’un rôle à sa mesure. Clown gai, clown triste mais chaque jour un peu plus désespéré et l’amour que je lui portais se heurtait aux murs froids de ses chimères.
En lui, rien n’était vrai, l’émotion, la tristesse, l’enthousiasme et jusqu’à la passion n’étaient que personnages singés avec brio certes mais sans authenticité aucune. Jamais sincère, toujours en représentation pour peu que le public soit admiratif, il avançait pas à pas sans voir les portes qui sur lui se refermaient l’aliénant inexorablement dans l’essence de celui qu’il n’était pas.
Il propageait sur sa route des volutes de peines, de colères, de rancœurs comme d’autres sèment sur leur passage douceur et tendresse.
Bien sûr d’autres âmes s’ouvraient à lui, qu’il brisait lentement, sans même sans rendre compte. On ne sait jamais où commence la pudeur et où finit l’indifférence.
Il poursuivait sa route, de pirouettes en pirouettes, de simulacres en simulacres, s’épuisant, réduisant à néant tout ce que la vie lui offrait. Insouciant, jusqu’au moment brutal où la solitude lui ouvrit son cœur glacé et torturé.
Etonné, surpris, lui qui avait tant pris et jamais rien donné se tourna, se retourna... mais autour de lui n’existaient plus que les illusions que lui même avaient créées, petits papillons noirs, petites trahisons, petites déceptions, petits nuages sombres qui flottaient dans les nues inclémentes...
Alors il s’agenouilla et un par un les sourires sincères à tout jamais perdus, les mains qui se tendaient et qu’il n’avait pas su saisir défilèrent, cohorte triste et douloureuse portant le deuil de son avenir.
C’est ainsi que dragon de papier terrassé et déchiré, il sombra peu à peu dans la folie.