Il est à l’hiver de sa vie et erre inlassablement dans les grises ruelles de son paysage mental, tristement éclairées par les pâles rayons des souvenirs voilés.
Un soir de décembre, il s’est égaré dans un embrouillamini de réflexions stériles lorsqu’un petit cri a attiré son attention. A ses pieds, dans une flaque d’indifférence, son cœur barbotait en soupirant.
Incrédule, il est resté planté, hypnotisé par les grands yeux désespérés qui le fixaient intensément.
Comment cet organe était t’il parvenu à passer sa barrière de maîtrise et pénétrer le dédale de ses pensées ?
Perplexe, il s’apprêtait à contourner l’obstacle quand la petite voix l’interpella :
Hey man ! … Mais tu m’oublies !
Non seulement cette chose avait violé son espace privé mais voilà qu’elle avait la prétention de lui dicter ses actions !
Rien ni personne, jamais, ne s’était risqué à l’influencer, ce n’était pas un morceau de sa chair qui allait commencer, même dotée d’un tel regard implorant !
Il se retourna, décidé à renvoyer l’intrus là d’où il n’aurait jamais dû bouger, dans le gouffre de l’oubli avec les organes mineurs, mais la flaque était vide.
Quelques clapotis, comme les borborygmes d’un estomac repu, laissaient penser que l’eau sombre digérait un cœur transi.
Sans plus réfléchir, il s’agenouilla et plongea les bras dans le liquide boueux, sa profondeur l’étonna, sans hésiter il plongea, fouilla en vain chaque recoin et fini par se hisser, épuisé sur le rebord de son indifférence.
Il s’allongea sur le dos la vue brouillée de larmes, étrangement submergé par un profond chagrin.
Une voix fluette le tira de son émoi.
Hey man !… Mais tu es trempé !
Son cœur était là, au-dessus de lui, suspendu à un pan de ciel bleu, il voulu tendre les mains vers lui mais il était si faible, si fatigué que son corps ne lui répondait plus.
Il eut le temps de le voir s’éloigner, main dans la main de son esprit le plus large, avant de fermer les yeux.
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