Elle le regarde. Il est là, devant elle. Muet. Immobile. Elle le regarde, sans oser le toucher. Lui ne bouge pas, ne dit rien. Elle avance sa main pour le toucher, puis se ravise au dernier moment, l’effleurant à peine des doigts. Et le regarde, immobile. Sourd et muet. Inconscient de sa tentation. Car elle est tentée. Elle est affreusement tentée, par un désir ardent, de le toucher, pour l’entendre parler.
Mais il ne veut pas.
Il ne veut pas. Il lui a dit. Alors elle a tu ses envies, pour lui faire plaisir, ou plutôt pour ne pas l’embêter, pour le pas l’agacer. Tentée, elle se remémore ses paroles. Ses paroles si cruelles qu’il lui a dit, qu’il lui a répété puisqu’elle oubliait. Car ses efforts, ses tentatives pour rester loin ont toutes échoué. Chaque fois, l’envie était plus forte, et elle le reprenait, pour l’entendre, quelques secondes, quelques minutes. Puis... la nature avait repris le dessus. Mais il n’en avait pas envie. Il ne voulait pas. Il se forçait. Et elle l’avait oublié. Elle oubliait toujours.
Cette fois, comme les autres, elle se dit qu’elle n’oublirait pas. Elle se dit qu’elle ne devait pas le toucher. Elle se dit qu’elle devait résister à la tentation. Mais elle en avait si envie... Qu’importait.
Elle ne pouvait pas le forcer. Elle n’en avait pas le droit. Parce qu’elle savait qu’il se forçait, pour lui faire plaisir. Mais au final, trop agacé de continuer alors qu’il n’en avait pas envie, il lui disait la même chose : "je ne veux pas". "Je ne veux pas". Ses mots restaient gravés au fond d’elle-même.
Alors elle se maudissait. Elle se maudissait d’être ce qu’elle était, d’être ce qu’elle ne devait pas être. D’être ce qu’elle avait été étant enfant, et que la vie avait camouflé tout au fond d’elle. Elle se maudissait de vouloir parler. Elle se maudissait de vouloir lui parler.
Sans famille à qui parler, sans personne pour l’écouter, elle aurait aimé, elle aurait tant voulu saisir ce téléphone pour l’appeler... Mais elle ne pouvait pas.
Que la solitude faisait mal...