Derrière la fenêtre les lilas semblent comme comprimés, écrasés et de longues larmes coulent sur les carreaux en cette fin d’été.
Au loin la rivière me dit adieu.
Je n’irai plus dans cet endroit charmant qui a bercé ma jeunesse, je n’irai plus au bois, ni au petit pont car la vie vient de me souffler ce message terrible :
"L’été prochain, ton Papa aura rejoint les cieux"
Alors, à huit ans, on ne cause pas à la vie, à la mort, à huit ans on regarde les larmes de pluie sur la fenêtre et les capucines retenir ces mêmes larmes en billes translucides, et puis on prend son Papa par la main on pose son oreille contre son cœur pour l’entendre battre et l’on est heureux ainsi.
A huit ans, on va au bord de la rivière, on soulève quelques cailloux pour faire des barrages contre nature et l’on ne se pose aucune question.
A cinquante cinq ans on est encore un gamin, et dans cet endroit que j’aime plus que tout au monde je n’y retournerai plus.
Je n’irai plus plus contre nature, mes barrages sont ceux de ma rivière et ses affluents le sang de mes fils que je dois amener à bon port.
Je n’y retournerai plus entendre le cœur qui bat, il n’y a plus de lilas ni de capucines, il n’y a plus que des fenêtres qui pleurent davantage bien plus qu’hier..Bien moins que demain*.
A cinquante cinq ans on est encore un gamin, j’ai reconstruis ici, ce que j’ai perdu là bas..j’espère simplement que, bien plus tard, mes grands fils, me prendront la main, poseront leurs oreilles sur mon cœur, pour l’écouter chanter.
[*] Merci Rosemonde Gerard et Eric Satie pour la musique.