Il a gelé cette nuit, les arbres commencent à se rhabiller de feuilles. Ils ont du mal à protéger les bourgeons qui pointent timidement. L’herbe blanchie ne retient pas la course de Maria. Elle court, court à travers champs. Pas le temps d’ admirer cette nature qui renaît. Elle doit fuir. Elle doit protéger le bourgeon qui pousse en elle.
Aujourd’hui, Maria fuit l’homme qui se proclame son maître et qui n’est que son mari. Cet homme qui la frappe lorsqu’elle regarde ailleurs. Cela fait deux ans que son calvaire a commencé. Deux ans à prier que cela se termine. Pas un mot tendre, pas une carresse. Rien ! Que des insultes et des coups... Tout se passe en huis-clos. Leur couple... Couple ? Non, un monstre et sa victime.
Pour la cacher, il l’a installée dans la petite maison au fond d’un champ... Loin des tentations ... Loin des regards curieux, loin des voisins... Ses journées, on peut les résumer rapidement. Ménage, cuisine, jardin à cultiver lorsque Monsieur est présent. Présent ? Devant sa télé ! Télécommande à la main, zappe, zappe... Des milliers d’images qui se succèdent sans rimer à rien. Avachi dans son fauteuil, il avale tout, images et alcool. De temps à autres il se leve et frappe Maria. Pourqui ? Pourquoi ? Il ne le sait même pas lui même. Maria fuit... Pas le temps de penser, pas le temps de regarder derrière. Il lui faut trouver la gare. Un train... N’importe lequel, pour n’importe où... Le bébé qu’elle attend est en danger. Un coup mal porté et c’est la fin de ce petit être... Elle refuse... Ce bébé est sa bénédiction, même s’il vient du monstre... Le train est là, tout prêt, Il t’attend, un petit effort, encore un. Le monstre dort ! Cours... La gare, le train, enfin ! Maria est montée... Le train s’ébranle.