Le soleil brille depuis le petit matin et la foule se presse près du vieux chêne, c’est jour de marché. Des vieillards assis côte à côte sur un vieux banc de pierre regardent avec une tendresse particulière les enfants qui jouent à même le sol avec quelques graviers en guise de billes.
Certains se poursuivent se bousculant entre les étals de fruits et de légumes en riant et en criant, apostrophés par les vendeurs plus amusés que fâchés. Les femmes rassemblées en petits groupes, le panier sous le bras conversent à grand renfort de gestes. Sur la place règne une agitation bon enfant de dimanche matin après la messe.
Mais soudain dans un bruit assourdissant le ciel s’est obscurci se teintant d’un gris métallique, les enfants paralysés dans leurs courses lèvent les yeux vers les nuages, le temps est comme suspendu au vrombissement sourd et terrifiant des nues.
Poussière, flammes, cris, hurlements, explosions, membres arrachés et le sang qui partout se répand, macule le sol se mêlant à la poussière, à la terre en une boue immonde.
La multitude se précipite, cherche en vain un abri puis pour finir s’écroule au rythme saccadé et inexorable du bombardement comme s’effondre un château de cartes sous le souffle d’une brise printanière.
Le soleil brille depuis le petit matin et sur la place redevenue silencieuse quelques silhouettes hagardes et fantomatiques errent enjambant des restes de corps démantelés. L’odeur de mort est là, elle envahit l’espace se répandant tenace et effrayante comme une vague aveugle qui suit inexorablement son chemin balayant tout sur son passage.
Sous le chêne éclaté, un enfant effaré, tétanisé par la terreur, pleure près d’une femme dont il secoue la main ensanglantée. Sa mère est morte mais il ne le voit pas et ses yeux et ses cris traduisent et sa peur et son impuissance à comprendre l’horreur de cette guerre.