Henriette n’a pas le temps de musarder, le panier rempli de victuailles, elle quitte la rue du Vaugueux grouillante de vie pour s’enfoncer dans une ruelle sombre et par ce raccourci discret atteindre la porte de service située derrière la belle maison de ses maîtres. Les serviteurs n’ ayant pas le droit d’ y pénétrer par la grande porte sculptée donnant sur l’avenue.
Cela fait sept ans qu’elle a été placée comme bonne dans une riche famille bourgeoise , les Querquenpois . Au début, elle faisait les travaux les plus ingrats dans leur grande maison puis formée par sa mère qui était bonne en chef, elle est monté en grade. Elle est maintenant attachée au service d’Anne, leur fille unique, devenue Madame De Mortalon depuis son mariage, il y a un an. Elle l’a suivie ainsi que son époux, quelques rues plus loin …
Anne, sa nouvelle maîtresse qui est de son âge est gentille, toujours un mot d’encouragement pour son personnel et une pièce pour les étrennes. Henriette pourrait s’estimer heureuse s’il n’y avait pas Monsieur, homme méchant et fourbe de vingt ans son aîné qui vient dans sa petite chambre de bonne, abuser d’elle. Madame a ses humeurs dit-il. Henriette refuse de lui céder, essaie de se dégager mais que peut-elle contre la force de cet homme ? Rien. C’est ainsi qu’elle se retrouve grosse. Henriette monte la ruelle des Cordeliers, inquiète pour son avenir et celui de son futur bébé. Quand Madame saura, elle sera jetée à la rue et que deviendra t elle avec un bébé sur les bras ? Il faut pourtant qu’elle avoue sa grossesse, cela commence à se voir, déjà Madame lui a fait une réflexion la veille sur son début d’embonpoint mais n’a pas insisté.
Le lendemain, après une nuit sans dormir, les yeux rouges d’avoir tant pleuré, Henriette se présente devant Anne , la tête baissée , lui raconte tout et attend le châtiment.
Cela fait longtemps que j’ai compris ma pauvre Henriette. Je te rassure, je ne t’en veux pas, si tu n’étais pas aussi une victime, j’aurais dit que tu me rendais service. Je déteste ce mari que mon père m’a imposé pour arranger ses affaires, partager son lit m’est insupportable et pourtant il me le faut bien hélas ! Je vais de ce pas trouver une solution à ton problème, il ne faut pas que tu sois jetée à la rue mais il ne faut pas non plus rester dans la maison, tout au moins pendant quelques mois, mon mari lui te jetterait comme une gourgandine que tu n’es pas. Va à ton ménage, pendant ce temps, je sors rendre visite à une amie, à plusieurs on trouvera une solution.
Madame est bien bonne.
Non Henriette, je suis bien lâche au contraire de t’avoir laissée aux mains de ce porc de mari. Allez va...
Bien Madame.
A suivre