Une semaine se passe pendant laquelle , Anne sort tous les jours rendre visite à ses amies. Henriette est toujours inquiète pour son avenir mais elle est soulagée de l’aveu ainsi que de la réaction de sa maîtresse. Le lundi suivant Anne l’appelle dans son boudoir.
- Je me suis occupée de toi Henriette, j’ai parlé de ton problème à plusieurs de mes amies sans leur dire de qui est le bébé, tu comprendras que c’est trop dur pour moi. Je leur ai dit que tu t’étais fait violer par un inconnu dans la rue. Une de mes amies a une place pour toi, elle vient de perdre une bonne servante en couches et cherche à la remplacer et peut-être que tu pourras épouser le veuf qui est son jardinier. Tu pourrais ainsi élever le petit si le veuf veut bien de toi. L’enfant est pour l’instant chez ses grands parents mais ils sont en mauvaise santé et ne pourront pas le garder longtemps au près d’eux.
- Mais Madame, je ne le connais pas.
- Je sais mais dans ta situation, tu ne peux pas faire autrement,si ce jardinier veut bien de toi, accepte cette proposition. A défaut d’amour, tu garderas ton honneur et ton enfant aura un père. Mon amie m’a dit qu’il est très travailleur et honnête comme toi. Tu le verras dimanche, nous irons le rencontrer chez Madame De la Tour, place Saint Sauveur.
- Que va dire Monsieur ? Il sait que je ne sors jamais avec vous d’habitude.
- Charles-Edmond ne dira rien, il déteste les papotages, de plus, il sera probablement à son club, occupé à parler de politique. A mon avis, il ne te verra même pas sortir. Allez du courage ma fille, il y va de ton destin.
- Bien Madame.
Il fait beau en ce dimanche de juillet et les hirondelles volent haut dans le ciel bleu quand Anne et Henriette se rendent chez Madame De la Tour à pied, son hôtel particulier étant très proche de celui des De Mortalon. Madame de la Tour accepte Henriette dans son personnel puis fait appeler son jardinier.
- Léon , je vous ai parlé d’une femme qui pourrait élever votre enfant, elle est ici devant vous et se prénomme Henriette. Je vous laisse faire connaissance et pendant ce temps, je vais faire admirer la roseraie à Madame De Mortalon, elle est si belle grâce à vos soins.
Seuls,les jeunes gens intimidés se regardent sans un mot puis Léon, timidement s’adresse à Henriette.
- Vous êtes bien jolie, Vous accepteriez de m’épouser ? vous méritez mieux qu’un vilain taiseux comme moi… et puis, j’ai un gosse à élever. Sa maman, si chère à mon cœur est morte en le mettant au monde.
- C’est que je suis moi aussi dans une position bien difficile.
- Je le sais, Madame De la Tour m’a dit qu’un vaurien dans la rue avait abusé de vous et que vous étiez grosse de ses œuvres. Que c’est-y pas malheureux , une mignonne comme vous. Écoutez, je veux bien de vous, ce serait même un honneur d’avoir à mon bras une épouse vertueuse et belle alors si vous acceptez, nous nous marierons et élèverons ces deux petiots ensemble. Qu’en dites vous ?
- Vous m’acceptez malgré tout ça ? Et s’il m’arrivait la même chose qu’à votre épouse ? Vous vous retrouveriez avec deux enfants dont l’un étranger à vous.
- C’est un risque, c’est sûr mais vous me paraissez plus solide que ma pauvre Germaine et puis la déveine ne tombe pas toujours sur les mêmes quand même. Ah ! j’ai oublié de vous dire, j’ai mes parents qui vivent rue Pémagnie, c’est eux qui gardent Charles mon petit garçon. Si vous le souhaitez et si nos maîtresses sont d’accord nous irons leur rendre visite.
Henriette fait un oui de la tête tout émue par tant de gentillesse de la part d’un homme qu’elle ne connaît pas. Son père était un soulard et la frappait et l’autre le géniteur une ordure. Enfin, elle rencontre un homme bon et à ce constat, elle se met à pleurer. Décontenancé Léon la réconforte gauchement si bien que c’est un long fleuve qui coule à présent de ses yeux. Que faire ? Il est perdu... Heureusement que Madame De la Tour et Madame De Mortalon s’approchent …
- Voyons Léon c’est ainsi que l’on fait des misères à une femme ? Dit malicieusement Geneviève De la Tour.
- Je ne sais pas ce qui est arrivé, je lui ai parlé et la voilà qui pleure.
- Que lui avez vous dit pour qu’elle soit dans cet état ?
- J’ai dit que je voulais bien d’elle mais peut-être qu’elle est blessée et qu’elle refuse ? Je suis un rustre.
Ce n’est pas ça réponds Henriette un peu remise de ses émotions. J’accepte tout de ce qu’il demande avec toute ma gratitude en plus. Aucun homme ne m’a jamais parlé aussi gentiment que lui.
- Dans ce cas, tout est parfait, il reste à s’occuper des formalités mais ça, c’est Madame De Mortalon et moi-même qui nous nous en chargeons, allez voir le bébé et apprenez à vous connaître un peu d’avantage tous les deux.