Une vieille malle en cuir marron, oubliée depuis des décennies, dort dans le grenier poussiéreux de cette maison.
Courageusement, bravant les araignées et leurs toiles, j’ouvre ce coffre abandonné.
Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une antique malle voyageuse dont la course s’est arrêté, un jour, faute de voyageurs, peut être, ou pour cause de vieillesse ?
Il y en a des trucs et des machins, des bidules et des bricolettes.
Mes doigts se hasardent et du coin de l’œil je surveille une araignée velue et noire qui se promène tout près de la malle aux trésors.
Mon premier trophée est une lettre, plus exactement un morceau de lettre jauni, écrite à la plume, en calligraphie avec des pleins et des déliés ; quelle beauté, cette vieille écriture ! Je tente de déchiffrer ; le temps a effacé beaucoup de mots ; quelques uns survivent : « vie, soleils, vous, nous, embaument, vent, demain, pluie, baisers, chaumière » ; et voilà mon imagination qui vagabonde : « Demain, nous irons (l’amant et son cheval) braver vent et pluie pour vous cueillir ces fleurs qui sont des soleils et qui embaument notre chaumière. Je dépose à vos pieds mille baisers, ma vie. »
Mon deuxième trophée est une mèche de cheveux blonds blottie dans du papier de soie, devenu encore plus fragile avec les années ; sans doute les cheveux délicats de la belle destinataire de la lettre.
Ma troisième découverte est une minuscule clé rouillée ; la clé de la malle ? Non, elle ne rentre pas dans la serrure, elle est trop petite ; ce doit être la clé du journal intime de notre belle ou mieux la clé de son cœur. Oui, ça me plaît bien, la clé de son cœur qu’elle avait offert à son amant.
Puis je saisis un petit carnet fait du même cuir que la malle ; je tente de l’ouvrir mais les pages humides sont collées entre elles ; délicatement je les sépare ; des fleurs séchées ont été glissées entre chaque feuille ; rien n’est écrit, pas de commentaire, pas de note ; sans doute sont-ce les fleurs des bouquets merveilleux offerts à la belle des lieux par son amant.
Un ruban rouge délavé repose au fond de la malle ; il liait les fleurs ou il attachait les cheveux de notre belle ?
J’aperçois une bougie blanche, bien consumée ; je cherche le bougeoir et le trouve ; j’y installe la bougie et l’allume avec mon briquet ; une faible lueur fait fuir l’araignée. Ce doit être la bougie qui éclairait le grenier quand la belle montait mettre à l’abri ses jolis secrets dans cette vieille malle.
Mon dernier trophée est un vêtement que je déplie délicatement, découvrant une robe d’été, au tissu léger, fluide, beige, parsemé de petites fleurs délicatement roses ; quelques mites gourmandes ou affamées ont grignoté l’étoffe, laissant quelques trous épars. La robe de la belle, sans doute le jour où elle a séduit son prince charmant.
L’araignée me regarde toujours ; peut être sait-elle beaucoup de choses.
Je range tous mes trésors dans la malle, j’y ajoute mon histoire que je glisse dans la robe printanière et referme le coffre avec délicatesse.
Un jour, une autre main ouvrira ce vieux bagage et découvrira les trésors ; une autre histoire naîtra.
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Histoire autour d’une vieille malle
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Ah ! L’imagination...