Le chien bave à la fenêtre ; demain il faudra laver les carreaux. La mare s’élargit mais l’écoulement s’atténue, un bout de pâte pendouille et hésite entre l’humidité froide du plat et la chute vertigineuse. Mais non, elle ne pense rien du tout, cette pâte. Une pâte ça ne pense pas. Deux petits flocons qui volettent. Ils se prennent pour des papillons de coton, retardent leur arrivée. Finalement ils se posent. Alors, par la fondaison des choses ils deviennent liquides et s’étalent tranquillement dans la bave du chien. Il fait morne et silencieux. L’air humide pénètre les chairs et il fait froid à l’intérieur. On a froid dans l’âme. On vit l’hiver dehors comme dedans, on se recroqueville mais les pieds gèlent quand même. Le ciel grisonne, le vent gris ne chasse pas la grisaille. Ce souffle de gel dans les branches, comme une haleine froide dans la nuque. Sauf qu’en fait il n’y a même pas d’arbres. L’air est sans contrainte ; il s’épaissit sournoisement pour emprisonner ce bout d’horizon. Quatre fleurs bleues, incongrues, se dandinent dans la respiration d’une nature sous somnifères. Le chien continue de baver. Il en a jusqu’aux genoux. Le temps s’arrête dans ces moments de silence sans tic-tac. Quelle heure est-il ? On est le 14 Janvier. On a faim. La soupe est glacée, la chaudière pour elle c’est terminé. Le robinet pisse des glaçons. On ne paie plus la redevance télé. Tiens, ça y est, le chien s’est noyé dans sa bave.