Il dort.
Paisible, si paisible... Mais qu’a-t-il pu faire comme guerres pour avoir gagné si durement sa paix ? Lui qui ne semble plus tourmenté, maintenant, pas plus tourmenté qu’un enfant, ces gosses qui nous irritent par moments, nous attendrissent souvent, nous titillent constamment, ces gamins dont le seul sourire vaut des millénaires de batailles, de guerre, de larmes et de sang...
Peut être qu’il rêve ? Qu’il rêve aux lendemains, aux veilles et aux jours du présent, qu’il rêve d’arcs en ciel et de coucher de soleil, d’étoiles au firmament, de rires et de colères, de yaourts crèmeux et de pâtisseries moelleuses, ou bien de tout ca à la fois ?
Elle ramène une mèche qui s’était aventurée sur le front du jeune homme dans la masse de ses cheveux ; il frémit, fronce les sourcils sous l’effleurement de ses doigts, elle se fige ; elle ne voudrait pas le réveiller. S’il la trouvait en train de l’observer, il se moquerait d’elle ; à cette pensée, un sourire vient flotter sur ses lèvres. Mais il ne se réveille pas ; il se replie un peu sur lui-même,
Elle laisse son regard couler dans la pièce ; dehors, il pleut. Elle entend les gouttes qui tombent, se fracassent une à une sur la vitre ; elle se lève doucement, en faisant attention de ne pas déranger ses compagnons de chambrée, s’assied sur le rebord de la fenêtre. Oui, il pleut... La nuit ne parvient pas totalement à engloutir toute vie en cette heure de son règne ; ses pleurs quittent les cieux pour choir sur le monde, se déverser sur les toits, brièvement illuminés par l’halo orangé, têtu de la ville.
Elle aurait presque envie de pleurer, elle aussi. Elle secoue doucement la tête, reporte son regard sur l’intérieur de la pièce. Ils dorment... Il dort. Serein... Malgré elle, elle sent un sourire s’épanouir sur ses lèvres. Aurait-elle la chance un jour de dégager tant de paix, elle aussi ?
Sans un bruit, elle se glisse sous les couvertures, à ses côtés ; il ne frémit même pas. Une mèche s’est à nouveau échappée et rompt son front lisse pour s’aventurer devant un de ses yeux clos ; elle soupire, lève les yeux au ciel, s’étend, frissonnant au contact de la chaleur du jeune homme sur sa peau rafraichie par ses rêveries contre la fenêtre.
Il dort.
Elle ferme les yeux