Qui n’a jamais rêvé d’être un oiseau ? Un de ces aigles royaux qu’on peut apercevoir, face aux feux du soleil, certains après-midi d’été dans les massifs alpins. Voler. L’un des plus vieux rêves de l’homme, même si de tous temps le destin d’Icare nous a rappelé à quel point un tel rêve ne devait jamais se réaliser. Fermez les yeux un instant, et imaginez vous, prenant de la vitesse, doucement, ailes déployées ; les effluves des pins remplissent l’atmosphère, les rayons du soleil couchant donnant à celle-ci cette couleur rougeatre, muse de tant d’artistes, entremetteuse secrète de tant de mariages. Les cimes des alpes se présentent à l’horizon, et l’envol, majestueux, intervient enfin. Le vent souffle dans vos cheveux. Cette sensation de vitesse pure, sans limite, est ennivrante, et vos sens défaillent. Loopings, vrille s’enchainent. Quel sentiment de liberté ! Arrivé à 50 pieds de hauteur, vous déployez sur toute votre envergure vos ailes... Et vous laissez planer.. un vol plané sans fin... Le bonheur est total.. Vous traversez un nuage, et en inspirez le parfum humide,
tellement particulier. C’est sans doute de cela dont les grecs parlaient lorsqu’ils évoquaient la boisson des Dieux. L’hydromel. Vous vous sentez emporté par ces nouvelles sensations, ces sensations d’infinies. Il ne semble pas y avoir de limite. Vous pouvez à souhait augmenter votre vitesse, tourner, longer les cimes des arbres, les sommets de ces pics autour desquels vous tracez des cerceaux imaginaires. Soudain, la nuit tombe. Le chant des chouettes remplace la mélodie d’amour des moineaux et des grillons. Le soleil, peu à peu, se laisse entrainer dans les abymes de l’atmosphère. La douce clarté de la lune remplace les
rayons brulants du soleil. Au gré du vent, vous vous laissez
porter, bercé par les bruits si particuliers d’une forêt la nuit. Vous tutoyez les étoiles, flirtant avec la lune, embrassant d’un regard la voie lactée qui, tel un fantôme, marque de son empreinte blanche le ciel sans nuage de cette belle nuit d’été. Porté par cette douce brise qui caresse vos cheveux, vous vous élevez encore, dépassant toutes ces cimes pour ne plus avoir que la lune face à vous. Ces reliefs que vous tutoyez encore quelques heures auparavant, alors simple piéton, ne sont plus maintenant que de simples tâches sombres sur cette gigantesque fresque qui semble se
redessiner à chaque instant sous vos yeux. Vous êtes maintenant presque aux limites de l’atmosphère terrestre. Les dernières lumières de cette civilisation qui, tout à l’heure encore, était la votre, s’évanouisse. D’ici, seule la nature semble exister. Et les étoiles. Les étoiles. Si brillantes maintenant, elles vous attirent irrésistiblement. Ce noir qui vous enveloppe maintenant ne les rend que plus belles. L’une d’entre elle particulièrement
vous parait irrésistible. Quel mélange de couleur semble se
trouver là ! Il vous semble même apercevoir des nuances de bleu. Lentement, sillonant les chemins de l’éther que tant d’autres ont tracé avant vous, vous vous laissez porter. Irrésistiblement.
Que ce vol est beau...