Je suis cette ombre qui traverse le désert, cette foule de gens qui ne me voient pas, cette foule d’étrangers que je fends telle une lame qui découpe dans le sens inverse, une ombre qui marche à l’envers, qui suis un autre chemin, qui reste à l’écart et qui ne comprend pas. Mais eux ne comprennent pas cette envie que j’ai de me détacher devant tant d’épreuves, devant tant de choses qui se sont passées et que je ne souhaite à personne. J’ai vu plus de choses que d’autres mais bien moins que d’autres encore et j’aimerais dire à ceux qui ne me voient pas, j’aimerais montrer à ceux qui ne m’entendent pas que je suis là, mais je suis immobile, je suis une ombre malgré tout qui n’est là que le temps d’un mouvement, le temps d’une image, le temps d’une aide apportée, je suis un mirage. Mais comment ouvrir les yeux aux aveugles, comment faire entendre aux sourds que je suis ce que je suis, ce que je suis devenue par tant de choses, que je ne sais plus même qui je suis depuis que l’on m’a tout enlevé, depuis que je ne sais plus rien à part cette conscience que je suis une ombre, et je sais que tout ceci n’est qu’un mélange, un fusionnement de deux ombres, de deux pensées, de deux personnes bien distinctes au parcours différent, aux vies différentes, aux messages différents. Mais comment dire ce que les autres ne comprennent pas, ce que tu ne comprends pas, ce que tu ne vois pas, ce que personne ne peut voir à part moi, car c’est mon chemin, car c’est ma vie et bien que deux ombres soient de même nature, leur chemin diffère.
Je suis comme ce désert, je ne suis pas immuable et chaque grain de sable, chaque partie de cette vie qui ne m’appartient qu’à moitié bouge sans arret, sans que l’on ne puisse tenir quoi que se soit, sans que l’on ne puisse les retenir. L’ombre passe à toute vitesse, elle s’envole et traverse les airs rapidement, et le vent vient me porter, il m’entraîne là où il le désire, et parfois je le guide, et c’est l’air qui me suit. Je suis autre chose, ma peau d’acier glisse dans le vent qui m’accompagne, sans cesse, et je vais vite, si vite que l’on ne peut le distinguer, et l’on ne voit que l’ombre, l’ombre qui me suit, l’ombre qui passe et qui lui est indissociable. Je suis une ombre, tout comme je suis un mirage. Sitôt que l’on espère m’atteindre, je me dérobe, et je vole hors de portée. Je m’envole car si ma peau est d’acier, mon âme est inatteignable. On ne peut la sonder, on ne peut l’approcher. Je fuis sans cesse, je ne veux pas que l’on m’approche. Je ne suis ni moi ni toi. Je ne suis rien. Je ne suis personne. Je ne suis qu’une ombre, qui s’échappe sans fin. Je suis un mirage, complexe et contradictoire. Ma vie n’est que contradictions, mes espoirs sont vains. D’extérieur je suis semblable aux autres, mais chacun est différent. Je suis si différent... Je ne sais même plus qui je suis. Ce que je sais, ce dont je suis sûre, c’est d’être absente tout en étant présente. Tout ce que je sais, c’est que j’aimerais être ailleurs, tout en étant ici. Tout ce que je sais, c’est ma nature. Je suis un avion qui vole sans cesse. Je suis une ombre qui se dérobe sans cesse.
Je suis un mirage.