Balancer des assiettes à quelqu’un qui reste de marbre, inerte, immobile, le regard dans le vide, sans voir la porcelaine brisée, sans voir la colère, sans entendre les cris, sans rien sentir, passer à côté de tant de choses sans même s’en apercevoir, être à l’origine de déceptions, de frustrations, puis sourire quand la colère inconnue est passée et déposer un baiser sur son front en disant qu’il reviendra, et la laisser à terre autour de toutes les assiettes brisées sans rien voir...
Seule, assise au milieu de tout ce qu’elle a cassé, elle pense, calmée, et sent le désespoir l’envahir, la peine la gagner ; alors elle pense, elle ferme les yeux, et revoit ces images immobiles, comme un fantôme, comme une ombre, comme un simple et furtif passage alors qu’elle-même n’attendait qu’une réaction, elle revoit sa colère, elle revoit cette solitude, car laissée comme si rien ne s’était passé, ce qu’il croit, ignorant et naïf, qu’elle aimerait appeler stupidité mais plutôt absence de connaissance d’elle-même, alors elle réfléchit et attend que tout ça passe, encore une fois.
Tout ça est fini, elle se ferme à nouveau et s’empêche de réfléchir, elle ramasse juste les morceaux brisés et les jette à la poubelle, car là est leur place, plus de sourire, plus de colère, plus de peine, juste un enfermement dans une raison qui la regarde à distance et lui murmure à l’oreille que si elle l’avait écoutée, rien de tout ça ne serait arrivé. C’est de sa faute, car elle n’a pas fait le bon choix, car elle a délaissé la raison pour la facilité, car elle a imaginé qu’elle en avait besoin ; et cette conscience lui hurle que tout ça est de sa faute et la blesse, et elle la laisse faire, car elle sait qu’elle a raison, elle sait qu’elle est fautive, qu’elle ne s’est pas assez fermée, qu’elle n’a pas fait le bon choix.